Imposteur moi ? L'histoire de cette voix qui me sabote depuis des années

Je ne sais pas le nombre de fois où je ne me suis pas senti à ma place, ou que ce qui m’arrivait me semblait en total décalage avec l’image que j’ai de moi-même. Que ce soit dans une rencontre, dans une conférence ou autre. J’ai toujours tendance à minimiser ce que je fais. Vous la connaissez-vous aussi cette petite voix ?

Vlan!
16 min ⋅ 12/10/2025

Celle qui surgit quand vous recevez des félicitations ("Ils sont juste polis"). Celle qui transforme chaque succès en coup de chance ("J'étais au bon endroit au bon moment"). Celle qui vous pousse à travailler jusqu'à l'épuisement pour "compenser" ce que vous n'êtes soi-disant pas.

De mon coté, même s’il m’handicape, d’une certaine manière j’aime bien mon « complexe de l’imposteur ».
Pas vous ?
D’ailleurs, cette voix n’est peut-être pas le reflet de votre incompétence, mais la preuve de votre intelligence ?

Mais une question plus problématique m’est venue également : et si ce doute qui vous ronge n'était pas un bug personnel, mais une fonctionnalité du système conçue pour vous maintenir à votre place ?

Aujourd'hui, je vais vous parler du phénomène de l'imposteur. Mais pas de la façon dont on vous en parle habituellement.
Pas avec cette condescendance bienveillante du "allez, ayez confiance en vous, vous êtes formidable !" qui ne résout rien.
Non, on va creuser profond. On va regarder d'où vient vraiment ce sentiment.
On va essayer de comprendre pourquoi les personnes les plus compétentes sont souvent celles qui doutent le plus.
On va démanteler les mécanismes sociaux qui entretiennent ce doute. Et surtout, on va voir comment s'en libérer – vraiment.

Parce que cette newsletter n'est pas juste une thérapie de comptoir enfin j’espère.
C'est un acte de résistance contre un système qui a intérêt à ce que vous doutiez de vous-même.
Alors, prêts à découvrir que vous n'êtes pas fou, juste lucide dans un monde confus ?

 

LE MYTHE DE L'IMPOSTEUR : QUAND LA SCIENCE DÉMONTE NOS CROYANCES

Commençons par tordre le cou à une idée reçue tenace : non, le "syndrome de l'imposteur" n'existe pas.

Oui, vous avez bien lu. Ce truc dont tout le monde parle, qui fait l'objet de milliers d'articles et de conférences TEDx, n'est pas un syndrome. Ce n'est pas une maladie. Ce n'est même pas un trouble psychologique.

C'est un phénomène. Et cette distinction n'est pas juste de la sémantique – elle change tout.

En 1978, les psychologues Pauline Rose Clance et Suzanne Imes publient une étude révolutionnaire. Elles ont observé cliniquement des femmes ayant connu de grandes réussites professionnelles et académiques. Ces femmes, malgré leurs accomplissements objectifs et mesurables, persistaient à croire qu'elles avaient trompé leur entourage et qu'elles ne méritaient pas leur position.

D’abord je trouve intéressant que cela ait été défini sur des femmes en 1er lieu car il est vrai qu’elles en souffrent plus que les hommes pour des raisons évidentes d’un patriarcat massif.
Clance et Imes ont appelé ça le "Phénomène de l'Imposteur" – jamais le syndrome de l'imposteur.
Un syndrome suggère une pathologie constante, quelque chose de cassé en vous qu'il faudrait réparer. Le phénomène, lui, désigne une expérience psychologique de fraude intellectuelle ou professionnelle perçue.

C'est une barrière temporaire à l'expression de votre véritable potentiel. Pas une tare permanente.

Et devinez quoi ? Entre 60% et 70% de la population mondiale expérimente ce phénomène au moins une fois dans sa vie. Vous n'êtes donc pas seul. Loin de là.

Mais alors, si c'est si répandu, pourquoi persiste-t-on à le traiter comme un problème individuel qu'il faudrait "guérir" ? Pourquoi cette insistance à nous faire croire que c'est notre faute si nous doutons ?
Parce que ça arrange bien du monde que vous doutiez de vous-même.

Pensez-y : un employé qui doute de sa valeur ne demandera pas d'augmentation. Une femme qui se sent illégitime n'osera pas postuler à ce poste de direction. Un artiste qui pense ne pas mériter son succès travaillera deux fois plus dur pour "prouver" qu'il le mérite vraiment.

Le doute est un excellent outil de contrôle social. Et le phénomène de l'imposteur en est l'expression parfaite.

Mais avant de plonger dans cette dimension systémique, comprenons d'abord comment ça marche concrètement dans nos têtes.

LES TROIS PILIERS DU DOUTE : ANATOMIE D'UNE IMPOSTURE INTÉRIEURE

Selon Kevin Chassang, psychologue spécialiste du sujet, le phénomène de l'imposteur repose sur trois piliers fondamentaux. Trois croyances qui, combinées, créent ce sentiment persistant d'être un fraudeur.
De mon coté, je réponds à 200% positivement aux 3 piliers et vous ?

Premier pilier : L'impression de tromper son entourage
Cette conviction profonde que vous avez trompé votre entourage sur vos véritables capacités est le socle du phénomène.
Vous êtes persuadé d'avoir donné une image de vous-même qui ne correspond pas à la "réalité" – cette réalité étant, bien sûr, que vous êtes relativement incompétent.

Le plus ironique ? Les recherches montrent que les personnes qui ressentent le plus fortement ce sentiment sont justement celles qui sont objectivement compétentes et accomplies.
Ce ne sont pas les imposteurs qui se sentent imposteurs. Ce sont les vrais experts. Evidemment !

Deuxième pilier : La mauvaise attribution
Les personnes touchées par le phénomène de l'imposteur attribuent systématiquement leurs succès à des facteurs externes (la chance, le hasard, les relations, les circonstances favorables) et leurs échecs à des facteurs internes (manque de compétence, d'intelligence, de valeur intrinsèque).
C'est exactement l'inverse du biais d'attribution classique, où la plupart des gens attribuent leurs succès à leurs qualités personnelles et leurs échecs à des circonstances extérieures.
Et là, ça devient fascinant : les personnes concernées attribuent souvent leurs succès à leur travail acharné et à leur diligence. "Si j'ai réussi, c'est parce que j'ai travaillé comme un forcené, pas parce que je suis compétent."
Vous voyez le piège ? Cela crée un cycle où elles pensent que si elles cessaient de douter et de sur-travailler, elles échoueraient réellement.
Le doute devient alors un mécanisme de protection : "C'est parce que je doute que je travaille assez dur pour compenser mes faiblesses."
Sauf que vous n'avez pas de faiblesses à compenser. Vous avez juste appris à ne pas reconnaître vos forces.

Troisième pilier : La peur d'être démasqué

"Un jour, ils vont se rendre compte."
"Je vais être exposé."
"Quelqu'un de vraiment compétent va arriver et révéler que je suis un imposteur."

Cette anxiété chronique d'être découvert est peut-être la plus épuisante des trois composantes. Elle génère un stress permanent, une hypervigilance, et souvent un perfectionnisme paralysant.
Parce que si vous êtes persuadé d'être un imposteur, alors chaque erreur, chaque petite imperfection devient une potentielle preuve de votre incompétence.
Vous ne pouvez pas vous permettre de vous tromper – ce serait confirmer ce que vous savez déjà : que vous ne méritez pas votre place.

Le résultat ? Vous travaillez deux, trois, dix fois plus que nécessaire. Vous perfectionnez au-delà du raisonnable. Vous vous épuisez à maintenir une façade qui, ironiquement, représente probablement vos véritables capacités.

Vous n'êtes pas un imposteur déguisé en expert. Vous êtes un expert déguisé en imposteur.

Mais d'où vient cette croyance si tenace et si irrationnelle ? Pour le comprendre, il faut regarder dans deux directions : à l'intérieur de nous-mêmes, et dans le monde qui nous entoure.

 

LES MOTEURS INTERNES : QUAND VOTRE CERVEAU SE MONTE CONTRE VOUS

Il n'y a pas de nuance dans l'esprit de quelqu'un qui vit le phénomène de l'imposteur.
Vous êtes soit compétent, soit une fraude. Soit parfait, soit nul. Soit intelligent, soit un imposteur.
Cette vision binaire est au cœur du problème.
Elle ne laisse aucune place à l'apprentissage, à l'erreur, à la progression. Vous vous imposez des standards d'excellence irréalistes, et la moindre déviation de ces standards devient la preuve de votre imposture.

Alors fort heureusement pour moi, je ne suis pas aussi binaire quand je m’observe, j’ai conscience d’avoir des compétences.
Ce qui me sauvent c’est que je me suis prouvé à moi-même que si ce que je fais plante, personne ne vas s’en rendre compte mais aussi je saurais rebondir. Mais en travaillant dur malgré tout.

J'ai une amie brillante (encore une femme), docteure en physique, qui a refusé une promotion parce qu’elle estimait qu’elle ne maîtrisait pas "suffisamment" le sujet.
Suffisamment selon quels critères ? Les siens, bien sûr. Des critères que personne ne lui demandait de remplir, mais qu'elle s'était auto-imposés.
C'est ça, le perfectionnisme rigide : une définition fixe et inflexible de ce que signifie être compétent, couplée à l'incapacité d'accepter quoi que ce soit en deçà de cette perfection imaginaire.
Le problème c’est que cette perfection n'existe pas. Vous vous battez contre un fantôme.

Carol Dweck, psychologue à Stanford distingue deux types de mentalités : le mindset fixe et le mindset de croissance.
Le mindset fixe part du principe que l'intelligence est une qualité innée et immuable. Vous êtes intelligent ou vous ne l'êtes pas. Point.
Quand vous fonctionnez avec ce mindset, votre obsession devient de prouver constamment que vous êtes intelligent. Chaque situation devient un test de votre valeur. Et donc, chaque défi, chaque erreur potentielle devient une menace existentielle.

Résultat ? Vous évitez les défis (pour ne pas risquer de révéler votre "vraie" incompétence), vous abandonnez face aux obstacles (preuve que vous n'étiez pas fait pour ça), et vous considérez l'effort comme une preuve de manque de talent (les "vrais" intelligents n'ont pas besoin de travailler dur).

Le phénomène de l'imposteur prospère dans un mindset fixe.
Parce que si l'intelligence est fixe, alors soit vous l'avez (mais vous en doutez), soit vous ne l'avez pas (ce que vous suspectez secrètement).
Le mindset de croissance, à l'inverse, considère que l'intelligence se développe.
Les défis sont des opportunités d'apprendre. Les erreurs sont des informations précieuses. L'effort est le chemin vers la maîtrise.
J’ai plutôt tendance à avoir un mindset de croissance quand même.
Le souci, c’est que c’est un puits sans fond en ce qui me concerne.
Malgré toutes les preuves évidentes, je n’y crois pas vraiment.
En même temps si on part du principe que l’intelligence est fixe et que vous avez dû bosser comme un acharné pour y arriver alors vous ne vous accordez aucun crédit. « C’est juste de l’effort ».
" Comme si les deux étaient mutuellement exclusifs.

Mais ces moteurs internes ne fonctionnent pas en vase clos. Ils sont alimentés, renforcés et parfois créés par des forces externes beaucoup plus puissantes.

  

LES MOTEURS EXTERNES : QUAND LE SYSTÈME FABRIQUE DES IMPOSTEURS

Retournons à votre enfance. Je sais, je sais, c'est un cliché. Mais les recherches de Clance et Imes ont identifié deux schémas familiaux récurrents chez les personnes vivant le phénomène de l'imposteur.

Premier schéma : La famille comparative
Imaginez une famille avec deux enfants.
L'un est désigné comme "l'intelligent" – celui qui réussit à l'école, qui comprend vite, qui sera médecin ou ingénieur. L'autre est "le sensible", "l'artiste", celui qui "n'est pas très scolaire mais qui a d'autres qualités".

Si vous êtes l'enfant désigné comme "sensible" et que, contre toute attente, vous réussissez académiquement ou professionnellement, votre cerveau ne sait pas comment intégrer cette information. Elle contredit l'histoire familiale. Alors vous rationalisez : "J'ai eu de la chance", "Ce n'est pas vraiment de l'intelligence", "Je compense mon manque de talent par le travail".
Vous intériorisez que votre réussite est une anomalie, pas une confirmation de vos capacités réelles.

Deuxième schéma : L'enfant "parfait"
À l'inverse, vous avez peut-être été l'enfant "parfait" – celui qui réussissait tout "facilement", qui était "naturellement doué", pour qui "tout venait sans effort".
Le problème avec cette étiquette ? Elle ne laisse aucune place à l'erreur, à l'effort, à l'apprentissage.

Quand cet enfant grandit et rencontre inévitablement des défis qui nécessitent du travail et de la persévérance, il n'a aucun référentiel pour gérer ça.
"Si je dois travailler dur, c'est que je ne suis pas vraiment intelligent. Les gens vraiment intelligents n'ont pas besoin de ça."
Pire encore : quand cet enfant reçoit des compliments sur son intelligence, il développe une méfiance fondamentale envers ces compliments du genre "Ils me disent que je suis intelligent, mais je sais que j'ai dû beaucoup travailler. Donc soit ils ne voient pas mon effort (et donc leur compliment n'a aucune valeur), soit ils me complimentent par politesse."

Dans les deux cas, vous n'avez jamais appris à vous approprier vos réussites. Elles appartiennent soit à la chance, soit aux autres, soit aux circonstances. Jamais à vous.

De mon coté et sans avoir été l’enfant parfait, je fais plutôt parti de la 2eme catégorie et entre mon frère et moi, clairement j’étais celui qui réussissait à l’école.
Mon frère a d’ailleurs développé toute une série de pensées limitantes bien plus puissantes que les miennes.

Maintenant, ajoutons une couche supplémentaire : les stéréotypes sociaux.
Clance et Imes ont initialement étudié le phénomène chez des femmes à haut niveau de réussite. Pas par hasard. Parce que les femmes grandissent dans une société qui leur envoie des messages contradictoires constants :"Sois intelligente, mais pas trop.",  "Réussis, mais reste humble.", "Sois compétente, mais pas intimidante.", "Affirme-toi, mais reste féminine."

Les études sur l'attribution montrent que les femmes ont tendance à attribuer leurs réussites à des facteurs externes ou temporaires (chance, effort) tandis que les hommes attribuent leurs réussites à leur capacité (facteur interne et stable).
Pourquoi ? Parce que les femmes intériorisent les stéréotypes sociaux selon lesquels elles ne sont pas considérées comme naturellement compétentes dans certains domaines. Il devient alors logique pour elles d'expliquer leurs accomplissements par autre chose que leur propre intelligence.

Prenons Nasria, une femme noire ingénieure dont le cas est détaillé dans les recherches. Elle mène un double combat : s'autoriser à se considérer légitime dans un domaine dominé par les hommes blancs, ET lutter contre les stéréotypes sociaux qui minimisent systématiquement sa réussite.

Quand elle réussit, on lui dit : "Tu as eu de la chance d'être une femme noire dans un domaine qui cherche de la diversité." Son succès est attribué à des quotas, pas à ses compétences. Comment ne pas internaliser le doute dans ces conditions ?
Mais attention : le phénomène n'est pas réservé aux femmes.

Ce qui déclenche réellement le phénomène de l'imposteur, c'est le sentiment d'être différent dans un environnement donné.
Un homme issu d'un milieu défavorisé dans une réunion de cadres issus de grandes écoles ? Il se sentira illégitime et vous n’avez pas idée de l’énergie que j’ai dépensé pour appartenir même quand ma meilleure amie me disait « mais Greg, tu appartiens déjà ».

C’est assez classique pour un transfuge de classe comme moi de porter ce sentiment d’imposture. 

Pensez-y dans votre propre vie. Quand ressentez-vous le plus fortement ce doute ? Probablement dans les situations où vous vous sentez "différent" des autres, où vous n'avez pas les mêmes codes, le même background, la même apparence.
Le phénomène de l'imposteur est souvent une réponse rationnelle à un environnement qui vous envoie des signaux – subtils ou moins subtils – que vous ne devriez pas être là.
Et si vous êtes un « fils de … » on vous le renvoie en permanence donc qu’est-ce que vous pouvez vraiment vous attribuer ?
Ce n'est pas vous qui êtes cassé. C'est le système qui est biaisé.


Et evidemment certaines cultures d'entreprise sont de véritables incubateurs du phénomène de l'imposteur (objectifs qui changent, manager qui vous critiquent sans feedback positif, aucune place pour l’erreur, compétition interne forte, valorisation du dernier au bureau….).
Dans ces environnements, le phénomène de l'imposteur n'est pas un bug individuel – c'est une caractéristique systémique.
L'organisation a intérêt à ce que vous doutiez de vous-même. Un employé qui doute travaillera plus dur pour "prouver" sa valeur. Il sera moins enclin à négocier son salaire. Il acceptera plus facilement des conditions dégradées. Il partira moins facilement.
Le doute est rentable. Pour l'entreprise. Pas pour vous.

Alors maintenant que nous avons compris d'où vient ce phénomène, attaquons-nous aux questions qui brûlent les lèvres.

LE DOUTE : FARDEAU OU FORME DE QUALITÉ ?

Il existe un phénomène bien documenté en psychologie : l'effet Dunning-Kruger.
En substance : les personnes incompétentes surestiment massivement leurs capacités (parce qu'elles ne savent même pas ce qu'elles ignorent), tandis que les personnes compétentes sous-estiment les leurs (parce qu'elles sont conscientes de l'étendue de ce qu'elles ne savent pas encore).
Plus vous en savez, plus vous réalisez l'ampleur de ce que vous ignorez.
C'est pourquoi les vrais experts doutent. Pas parce qu'ils sont incompétents, mais parce qu'ils ont conscience de la complexité du domaine.
En politique, on voit bien comme c’est difficile de contrer un démagogue par exemple.

À l'inverse, les imposteurs véritables – ceux qui sont réellement incompétents mais prétendent le contraire – sont souvent débordants de confiance. Parce qu'ils ne savent pas assez pour se rendre compte de leur ignorance.
Le doute est donc, paradoxalement, un signe d'expertise.

Le sentiment d'imposture, quand il n'est pas démesuré, est considéré comme un gage d'intelligence et d'humilité.
Pensez aux chercheurs, aux scientifiques, aux véritables experts dans leur domaine. Rares sont ceux qui ne doutent jamais.
Parce que leur expertise leur permet de percevoir les nuances, les complexités, les zones grises.
D’ailleurs, toutes les personnes passionnantes que je reçois sur le podcast sont toujours très accessibles et simples en réalité.
De mon coté, dès qu’une personne me fait ressentir un sentiment d’infériorité, je me mets à douter de son expertise.
Donc évidemment le problème n'est pas le doute en soi. Le problème, c'est quand le doute devient paralysant. Quand il vous empêche d'agir, de saisir des opportunités, de reconnaître vos accomplissements.

Face à un résultat insuffisant, au lieu de penser "Je n'y arrive pas" (mindset fixe, preuve d'incompétence), pensez "Je n'y arrive pas encore" (mindset de croissance, étape d'apprentissage).
Ce simple mot transforme l'échec d'une impasse en un point sur un chemin.

Alors oui, le doute peut être une qualité. Mais seulement quand il vous pousse à vous améliorer sans vous paralyser.
Parce qu’évidemment le doute sain vous fait grandir. Le doute pathologique vous fait disparaître.
Et c'est précisément cette frontière que nous devons apprendre à naviguer.

 

BON ALORS : COMMENT RÉAGIR QUAND VOUS VOUS SENTEZ IMPOSTEUR

Assez de théorie. Passons à l'action.

Si vous êtes arrivé jusqu'ici, c'est probablement parce que ce phénomène résonne en vous. Vous vous êtes reconnu dans ces descriptions. Vous avez peut-être même ressenti un certain soulagement : "Je ne suis pas fou. Je ne suis pas seul."

Maintenant, que faire avec tout ça ?

Les recherches montrent qu'une approche multi-modale – c'est-à-dire combinant plusieurs stratégies – est la plus efficace.
Et clairement j’ai fait d’abord ces recherches pour moi car nous sommes dans le même bateau.
Malheureusement pas de pilule magique, pas de solution unique.
Je sais que vous aimez les hack de productivité mais souvent la réalité est un peu plus compliquée et nuancée.
Désolé :p
C’est donc un ensemble de pratiques qui, ensemble, peuvent transformer votre relation au doute.

1. Lever le secret

Le phénomène de l'imposteur prospère dans le secret.
Tant que vous gardez ce sentiment pour vous, il semble unique, isolé, honteux.
Vous pensez être le seul à le vivre.
Et cette croyance renforce le sentiment que c'est justifié : "Si personne d'autre ne se sent comme ça, c'est que les autres sont vraiment compétents et que moi, je suis vraiment un imposteur."

Briser ce secret est la première étape fondamentale. Alors peut-être pas en faisant une newsletter à plus de 10 000 personnes comme moi aujourd’hui mais au moins en parlant à un ami ou un collègue proche.

Normalement, vous découvrirez 2 choses :
D’abord, vous n'êtes pas seul. La personne en face de vous révélera probablement qu'elle ressent exactement la même chose.
Cette découverte est libératrice – votre "secret honteux" n'est pas si secret ni si honteux.
Mais aussi en le nommant, vous le dépouiller de son pouvoir. Ce qui reste dans l'ombre grandit et se déforme (salut Karl Jung).
Ce qui est exposé à la lumière peut être examiné, questionné, relativisé quitte à en parler en groupe tant que les personnes sont bienveillantes bien sûr.

2. Changer les attributions et les rituels :

Rappelez-vous : le cœur du phénomène réside dans la mauvaise attribution.
Vous attribuez vos succès à des facteurs externes et vos échecs à des facteurs internes.
Il est temps de reprogrammer consciemment ce système.

Vous avez peut-être développé ce rituel : avant chaque examen, chaque présentation importante, chaque projet majeur, vous vous mettez dans un état de stress et de doute. "Je vais échouer. Je ne suis pas prêt. Je ne suis pas à la hauteur."
Et puis vous travaillez comme un forcené. Vous sur-préparez. Vous perfectionnez au-delà du raisonnable.
Et quand vous réussissez, votre cerveau conclut : "Tu vois ? C'est parce que tu as stressé et travaillé d'arrache-pied que ça a marché. Si tu ne l'avais pas fait, tu aurais échoué."
Ce cycle doit être brisé.

Voici l'exercice radical que proposent les thérapeutes auxquels je me suis intéressé : entraînez-vous consciemment à l'attente positive.
Avant votre prochain projet ou défi, au lieu de prédire l'échec, dites-vous (et oui, à voix haute si nécessaire) : "Je vais bien faire. J'ai les compétences nécessaires. Je suis préparé."
Et surtout : ne sur-travaillez pas. Préparez-vous raisonnablement. Normalement. Comme le ferait quelqu'un de confiant en ses capacités.
Le but est évidemment de réussir sans l'auto-doute chronique. Parce que cette réussite sera la preuve que ce n'était pas votre anxiété qui vous portait, mais vos compétences réelles.

C'est terrifiant, je sais !!! Enfin au moins pour moi ça l’est. Vous avez l'impression de sauter sans filet. Mais c'est précisément le saut nécessaire pour briser le cycle.

 Et puis adopter la perspective "Pas Encore"

Face à un résultat insuffisant, un défi non relevé, une compétence non maîtrisée, ajoutez systématiquement ces deux mots : "pas encore".
On passe de "Je ne sais pas coder" devient "Je ne sais pas coder encore."
Ou "Je ne suis pas doué pour parler en public" devient "Je ne suis pas doué pour parler en public encore."

Ce simple ajout transforme un énoncé de mindset fixe (c'est comme ça, c'est ma nature, je suis ainsi) en un contexte de mindset de croissance (c'est temporaire, je peux apprendre, je suis en chemin).

3.Confronter l'inauthenticité
Soyons honnêtes : certains d'entre nous ont développé des stratégies compensatoires pour gérer leur sentiment d'imposture comme la "flatterie intellectuelle" – être d'accord avec tout le monde, ne jamais contredire, acquiescer même quand on pense différemment.
Je plaide totalement coupable ici même si je me corrige de plus en plus.
Mais vous le savez puisque j’ai fait cette newsletter sur les « gentils » - le souci c’est que de  devenir "celui/celle qu'on aime bien" pour compenser le fait qu'on ne se sent pas "celui/celle qu'on respecte" ne fonctionne pas bien.

Ces stratégies créent un cercle vicieux. Vous recevez de l'approbation, mais vous ne pouvez pas vraiment l'accepter parce que vous savez qu'elle ne s'adresse pas à votre "vrai" vous, mais au personnage que vous jouez.

Il est temps d'arrêter le spectacle mais j’avoue que je n’ai pas les clefs pour cela si ce n’est d’accepter que tout le monde ne vous aimera pas mais que ceux qui vous aimeront le feront pour de vrai.

4. Chercher le soutien adapté 

Parfois, le phénomène est tellement ancré, tellement envahissant, qu'un soutien professionnel devient nécessaire.
Cela peut prendre la forme de thérapies cognitivo-comportementales (TCC) qui sont particulièrement efficaces pour travailler sur les schémas de pensée automatiques négatifs, les croyances irrationnelles sur soi-même ou bien les comportements d'évitement et de sur-compensation.

Mais au-delà de la thérapie, cherchez activement des mentors et des alliés qui ont vécu la même chose en le dépassant et vous renvoient une image objective de vos capacités tout en vous challengeant gentiment quand vous vous dévalorisez.

Évitez les personnes qui minimisent vos accomplissements, se sentent menacées par votre réussite, vous maintiennent dans le rôle du "douteur sympathique" ou encore qui renforcent vos croyances négatives sur vous-même.
Ca m’est arrivé tellement de fois que ça soit de la part de petites amies, d’amis ou des relations professionnelles et pire surtout à l’école ;
Cela m’a demandé de faire un ménage régulier en particulier quand j’étais plus jeune.

 

GUÉRIR INDIVIDUELLEMENT NE SUFFIT PAS

Mais arrêtons-nous un instant. Parce qu'il y a quelque chose de profondément dérangeant dans tout ce que je viens d’évoquer.
Parce que je me suis concentré à vous donner des solutions individuelles mais ce phénomène n’est fondamentalement, pas de votre faute.

Je l’ai dit rapidement en introduction mais le phénomène de l'imposteur est principalement une réponse rationnelle à des systèmes biaisés.
Ce n'est pas vous qui êtes cassé. Ce sont les structures sociales, les cultures d'entreprise, les stéréotypes de genre et de classe, les environnements toxiques qui vous envoient constamment le message que vous ne devriez pas être là.
Pourtant, tout invite à faire le boulot à son niveau parce que notre société adore individualiser les problèmes systémiques.

Vous êtes pauvre ? C'est parce que vous ne travaillez pas assez dur. (Pas parce que le système économique est structurellement inégalitaire comme jamais depuis le 19eme siècle.)
Vous êtes en burn-out ? C'est parce que vous ne savez pas gérer votre stress. (Pas parce que votre entreprise exige l'impossible.)
Vous vous sentez imposteur ? C'est parce que vous manquez de confiance en vous. (Pas parce que le système a intérêt à ce que vous doutiez.)

Cette individualisation est une stratégie de maintien du statu quo.
Si on vous convainc que c'est votre problème personnel, vous passerez votre énergie à vous "réparer" vous-même plutôt qu'à remettre en question les structures qui vous oppriment.
Ce n’est pas un complot mais pendant ce temps, les entreprises continuent à bénéficier d'employés qui travaillent trop dur pour compenser leur sentiment d'illégitimité. Les institutions continuent à perpétuer des cultures qui favorisent certains profils au détriment d'autres. Les stéréotypes sociaux continuent à circuler sans être challengés.

Alors oui, faites le travail individuel. Tenez un journal de succès personnel. Pratiquez l'acceptation des compliments. Consultez un thérapeute si nécessaire. Mais ne vous arrêtez pas là.

Parce que le phénomène de l'imposteur ne sera jamais vraiment résolu à l'échelle individuelle tant que les systèmes qui le produisent restent intacts.
On devrait pouvoir faire changer les règles au niveau de l’éducation, en entreprise mais plus généralement dans la société.

Dans l'éducation, en particulier avec l’I.A. il faut que l’on abandonne le système des bonnes notes et valoriser l’effort et la progression. L’esprit critique en somme.
 Mais aussi il serait important de pouvoir montrer des modèles de réussite venant de la diversité ou encore former les enseignants à reconnaître leur biais et enseigner la différence entre humilité saine et dévalorisation…mais vu les investissements fait dans l’éducation, on y est pas…

Dans les entreprises par exemple il faudrait établir des critères de promotion clairs et objectifs (pas basés sur qui "ressemble" à un leader), former les managers à donner du feedback constructif ET positif régulièrement, créer des cultures où l'erreur est vue comme une opportunité d'apprentissage, pas une punition ou encore mesurer et corriger activement les biais dans l'évaluation des performances

Bref vous avez compris l’idée, si vous avez dépassé votre propre phénomène de l'imposteur (ou si vous êtes en chemin), vous avez une responsabilité sociale de faire en sorte que l’on y arrive tous collectivement.

Je crois que briser le phénomène de l'imposteur est un acte politique, c'est refuser la logique d'un système qui veut que vous restiez petit, docile, doutant. C'est affirmer votre légitimité malgré les messages contraires. C'est ouvrir la voie pour que d'autres fassent de même.

EN RÉALITÉ L'IMPOSTEUR N'EXISTE PAS

Voilà où nous en sommes arrivés.
Le phénomène de l'imposteur n'est pas un syndrome. Ce n'est pas une maladie. Ce n'est pas une preuve de votre incompétence ;
C'est la réaction normale d'une personne intelligente et lucide face à un système qui lui envoie des messages contradictoires sur sa valeur.
Vous n'êtes pas un imposteur. Vous n'avez jamais été un imposteur.
Vous êtes quelqu'un de compétent qui a appris à douter de ses compétences. Vous êtes quelqu'un d'intelligent qui a appris à minimiser son intelligence. Vous êtes quelqu'un d'accompli qui a appris à attribuer ses accomplissements à tout sauf à lui-même.

Et vous pouvez désapprendre tout ça. Et moi aussi.
Pas instantanément. Pas magiquement. Mais progressivement, consciemment, avec du soutien et de la pratique.
En comprenant d'où vient le phénomène.
En reconnaissant les schémas de pensée automatiques. En pratiquant activement de nouvelles attributions. En ancrant concrètement vos réussites. En brisant le secret. En transformant le doute paralysant en curiosité constructive.

Et surtout, en réalisant que ce n'était jamais vraiment une question de vous.

C'était une question de systèmes biaisés qui vous ont fait croire que vous étiez le problème. C'était une question de normes sociales qui vous ont convaincu que votre différence était une défaillance. C'était une question de cultures toxiques qui ont transformé votre excellence en anxiété.

Alors aujourd'hui, je vous invite à faire quelque chose de radical.
Regardez-vous dans un miroir. Oui, vraiment. Allez-y. Je vous attends.

Et dites-vous, à voix haute :

"Je ne suis pas un imposteur. J'ai des compétences réelles. Mes accomplissements sont légitimes. Je mérite ma place. Et je vais cesser de m'excuser d'exister."

Vous ne le croirez peut-être pas immédiatement. C'est normal. Des années de conditionnement ne s'effacent pas en une phrase.
Mais continuez à le dire. Tous les jours. Jusqu'à ce que ça devienne aussi automatique que le doute l'était.
Parce que cette voix qui vous dit que vous êtes un imposteur ? Elle ment.
Elle a toujours menti.
Et il est temps de la faire taire.
Bienvenue dans votre légitimité. Vous y avez toujours appartenu.

P.S. : Si cette newsletter résonne en vous, faites-moi plaisir : partagez-la avec une personne qui pourrait en avoir besoin. Parce que briser le phénomène de l'imposteur commence par en parler. Et chaque conversation ouverte est un pas vers un monde où personne n'a plus à s'excuser d'être compétent.

Et puis, racontez-moi : quel moment de cette newsletter vous a le plus touché ? Quel passage vous a mis mal à l'aise ? Quelle prise de conscience avez-vous eue ? Vos retours sont précieux – et non, ce n'est pas de la "flatterie intellectuelle", c'est que vos perspectives enrichissent réellement ma compréhension du sujet.

À très vite, Greg

Cette semaine sur Vlan!

#366 Pourquoi votre bureau vous rend malade? avec Alexandre Dana

Alexandre Dana est entrepreneur et fondateur de LiveMentor, mais surtout, c’est un ami proche, avec qui j’ai eu la joie d’avoir de nombreuses discussions profondes. Il est aussi l’auteur du livre La chaise tue, un ouvrage choc, nécessaire, qui explore une réalité bien trop ignorée : notre sédentarité nous détruit à petit feu.

Dans cet épisode, j’ai eu envie de reprendre le micro avec Alexandre, justement parce que ce sujet me tient profondément à cœur. Comme vous le savez, je suis passionné par notre capacité à mieux comprendre le monde pour y vivre plus sereinement, et ici, on parle d’un enjeu de société majeur, souvent relégué au second plan : le mouvement.
Nous avons tous conscience qu’il faut faire du sport, qu’il est important de bouger... mais savons-nous que la sédentarité est l’une des premières causes de mortalité ? Alexandre nous explique pourquoi notre environnement moderne – nos bureaux, nos villes, notre rapport au travail, aux écrans, à nos loisirs – nous condamne à rester assis, et pourquoi cela met en danger notre corps, notre santé mentale, nos émotions... et même notre créativité.

#61 Quand la performance devient toxique avec Nicolas d’Hueppe

Nicolas d’Hueppe, entrepreneur, ancien CEO d'Alchimie, a frôlé la mort d'une manière absolument sidérante : un arrêt cardiaque de 53 minutes, suivi d’une succession d’épreuves physiques et mentales. Il est aussi l’auteur du livre Votre énergie est inépuisable, écrit avant son accident, dans lequel il interrogeait déjà nos modes de vie ultra-performants. Ce qui rend son témoignage d’autant plus poignant, c’est la manière dont il a dû déconstruire tout ce qui faisait son identité d’entrepreneur à succès.

Dans cet épisode, nous parlons de finitude, performance juste, déni, amour conjugal, dépression, vulnérabilité, et renaissance. J’ai questionné Nicolas sur les signaux faibles qu’il a ignorés, sur son parcours de reconstruction après un coma, sur la force de l’amour de sa femme, et sur cette autre performance, plus alignée, plus sincère, qu’il explore désormais.

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Des liens tout à fait incroyables

  1. Pourquoi la puberté chez les filles arrive de plus en plus tôt?
    Sujet que j’ignorais totalement mais que j’ai trouvé intéressant car depuis 1950, le nombre de jeunes filles ayant des premières règles précoces (avant l'âge de onze ans) a presque doublé.
    Ce phénomène, bien documenté et mondial, pourrait avoir de graves conséquences sur la santé physique et mentale des femmes. A lire ici!

  2. Comment notre rapport aux odeurs corporelles a évolué?

    J’adore les parfums, c’est un sujet chez moi et pourtant je sais à quel point les odeurs corporelles sont centrales alors quand j’ai vu cet article, je me suis dis que c’était nécessairement intéressant car comme le précise l’article à l'origine, se laver était un moyen pour les classes supérieures d'affirmer leur statut. Avec la généralisation des bains, de nouvelles normes olfactives se sont imposées

  3. Le pire de l’I.A. avec Sora?

    Je n’ai pas peur de l’I.A. mais par contre, j’ai peur des reseaux sociaux à l’heure. de l’I.A. alors quand je vois la manière dont les choses évoluent, j’avoue que ça ne me rassure pas beaucoup.
    Il va falloir beaucoup se méfier de tout ce que l’on voit mais de toute manière je parie sur le fait qu’Instagram soit “cringe” dans les années à venir, il l’est déjà pour moi quelque part

Je me limiterais toujours à 3 liens donc voilà c’est tout pour cette semaine (sachant que Vlan! La newsletter C’est bimensuel comme Vlan! Leadership), n’hésitez pas à me faire des retours et à partager la newsletter à vos amis, collègues, connaissances si vous la trouvez pertinente. Il y a un bouton juste en dessous !

Vlan!

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Par gregory pouy

Je suis Grégory Pouy, un passionné des liens humains et des transformations qui façonnent notre société. Après des années dans le monde de la transformation digitale, j’ai décidé de prendre un autre chemin : celui de la réflexion, de l’authenticité et de la nuance.

Je suis profondément convaincu que dans un monde qui va toujours plus vite, prendre le temps de comprendre est une force.

À travers mon podcast, mes écrits, mes conférences et mes accompagnements et désormais cette newsletter je cherche à donner des clés pour mieux appréhender le monde, avec lucidité et bienveillance afind d’être plus serei dans un monde instable.

Ce qui me motive, c’est d’aider chacun à poser un regard différent sur la vie, à s’interroger sur ce qui compte vraiment, et à nourrir des liens profonds et sincères. Je ne prétends pas avoir toutes les réponses, mais je pose les bonnes questions – celles qui permettent d’avancer avec plus de clarté et de conscience

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