Pourquoi sommes-nous toujours plus pressés alors qu’on a jamais autant été optimisé ?

Nous sommes déjà à la fin de l’année et pourtant vous avez l’impression que Janvier était…hier ? Avez-vous déjà eu cette sensation étrange que le temps vous échappait ? Que malgré tous vos gadgets ultra-sophistiqués, vos applications d'optimisation et vos méthodes de productivité, vous n'avez jamais le temps? Vous n'êtes pas seul.

Vlan!
18 min ⋅ 09/11/2025

Nous vivons dans un monde où la technologie accomplit en une fraction de seconde ce qui prenait des heures à nos grands-parents.
Nos machines sont devenues si efficaces qu'elles peuvent travailler 24h/24 sans jamais faiblir.
Nous avons automatisé, robotisé, numérisé presque tout ce qui pouvait l'être. L'intelligence artificielle promet même de réduire à néant les dernières "frictions" qui ralentissent encore nos existences.

Et pourtant...

Paradoxe absurde : nous n'avons jamais été aussi pressés, aussi stressés, aussi obsédés par le temps qui passe.
Nous courons sans cesse, toujours plus vite, multipliant les tâches, optimisant chaque seconde, comme si notre vie en dépendait.
Quand avez-vous pour la dernière fois passé une journée entière sans regarder l'heure ? Sans ressentir cette pression insidieuse du temps qui s'écoule "trop vite" ?

La semaine dernière un ami m’envoyait ce message sur Whatsapp : « Moi, ça va mais du mal à jongler entre le boulot, mon fils, mon livre… »  et moi de lui répondre « on a tous du mal parce que ce n’est pas humain ce rythme ».
Mais ça m’a donné envie d’explorer cette contradiction flagrante.
Déjà en 2000, il y a donc 25 ans, mon mémoire de fin d’étude s’intitulait « le temps : facteur clef de succès du 21eme siècle ».
Et je sais que vous-même vous avez sans doute du mal à gérer au quotidien.
Vous avez envie de ralentir, vous avez envie de faire de la méditation et du yoga pour vous tranquilliser mais comme je le soulignais dans mon tedx, il y a une réalité toxique à cette course au bien-être.
Je sais que mes newsletters sont longues donc ironie du sujet, je vous invite à prendre du temps pour plonger dans cette grande accélération dont nous sommes collectivement victimes pour voir si nous pouvons nous en libérer - au moins un peu.

La 1ère question que je me suis posé est simple : qui bénéficie réellement de cette accélération permanente qui caractérise nos vies et qu’est ce qui se passerait si tout d’un coup nous ralentissions collectivement ?
Existe-t-il un système qui nous maintient délibérément dans cette course effrénée pour éviter que nous prenions le temps de réfléchir à la direction que nous donnons à nos vies ?

 

L'accélération : un phénomène total qui nous dépasse

Dans mes recherches, je suis tombé en amour plusieurs fois. D’abord et surtout avec Hartmut Rosa.
Dans son livre majeur Accélération, ce sociologue et philosophe allemand développe une théorie qui m'a particulièrement frappé, car elle explique ce sentiment diffus que "tout va trop vite" que beaucoup d'entre nous ressentons.
Pour Rosa, le souci est moins la vitesse que l’accélération que nous vivons de multiples fois à l’intérieur d’une vie.
 L'accélération n'est pas simplement un phénomène parmi d'autres de notre société, mais bien le principe même qui structure notre rapport au monde moderne.

Le point de départ de sa réflexion vient d’une observation simple mais fondamentale : malgré tous les gains de productivité, malgré toutes les innovations technologiques censées nous faire "gagner du temps", nous avons paradoxalement de moins en moins de temps disponible. 

D’ailleurs c’est intéressant d’observer qu’au début de 20eme siècle  (1930) l’économiste Mayard Keynes se demandait bien ce que les générations futures (nous donc) allaient pouvoir faire de tout ce temps libéré par la révolution industrielle.
Il avait même fait l’hypothèse d’une société du loisir pour 2030 avec 15h de travail par semaine.
Alors qu’est-ce qui c’est passé ?
Ce sentiment de "manquer de temps" est devenu l'expérience quotidienne de la plupart d'entre nous, indépendamment de notre classe sociale, de notre âge ou de notre situation géographique.

Cette accélération se manifeste selon Rosa sous trois formes principales qui se renforcent mutuellement :

1. L'accélération technique : la vitesse comme nouvel absolu

L'accélération technique est la plus visible, la plus mesurable. C'est celle des transports (de la marche à pied à l'avion supersonique), de la communication (du courrier postal aux messages instantanés), de la production (de l'artisanat à la fabrication automatisée). Tout va objectivement plus vite, et cette accélération est exponentielle.

Prenons l'exemple de la communication : entre l'invention de l'écriture et celle de l'imprimerie, plus de 4000 ans se sont écoulés. Entre l'imprimerie et le télégraphe, environ 400 ans. Entre le télégraphe et le téléphone, moins de 40 ans. Entre le premier email et les applications de messagerie instantanée, à peine 20 ans. Et aujourd'hui, de nouvelles applications de communication émergent presque chaque mois.

Cette accélération technique n'est pas neutre. Elle transforme fondamentalement notre rapport au monde. L'espace se contracte (on peut faire Paris-New York en quelques heures), le temps s'intensifie.

2. L'accélération du changement social : quand la stabilité devient obsolète

Le second aspect de l'accélération concerne les transformations sociales elles-mêmes. Les structures familiales, les systèmes de valeurs, les modes de vie, les choix professionnels deviennent de plus en plus instables, éphémères, transitoires.

Nos grands-parents exerçaient souvent le même métier toute leur vie, vivaient dans le même quartier, partageaient des valeurs relativement stables avec leur communauté. Aujourd'hui, les statistiques montrent que nous changerons en moyenne 5 à 7 fois de métier (pas simplement d'emploi, mais de métier) au cours de notre vie. Nous déménagerons environ 10 fois. Nous verrons émerger et disparaître des technologies qui transformeront radicalement notre quotidien. Qui arrive encore à dire à leurs enfants le métier vers lequel ils devraient se diriger?

Rosa parle de "contraction du présent" : le temps durant lequel nos connaissances, nos compétences, nos relations restent "actuelles" se réduit constamment. Ce qui était acquis hier devient obsolète aujourd'hui.
Ce qui fonctionnait bien l'année dernière doit être "disrupté" cette année.
L'innovation permanente devient une obligation, non plus une option.

Les conséquences psychologiques et sociales de cette instabilité structurelle sont profondes. Comment construire une identité cohérente, des relations durables, des communautés solidaires dans un monde où tout change constamment ? Comment transmettre des valeurs d'une génération à l'autre quand l'expérience des parents semble déjà obsolète aux yeux des enfants ?

3. L'accélération du rythme de vie : quand le temps se contracte subjectivement

La troisième dimension de l'accélération, et sans doute la plus pernicieuse, concerne notre expérience subjective du temps. C'est ce que Rosa appelle l'accélération du rythme de vie : nous ressentons une pression temporelle croissante malgré tous les dispositifs censés nous faire "gagner du temps".

Cette accélération se manifeste par une densification des épisodes d'action par unité de temps. En d'autres termes, nous faisons plus de choses en moins de temps, nous compressons davantage d'activités dans chaque journée, nous réduisons les temps morts, les pauses, les moments "improductifs".

Les symptômes sont partout autour de nous : nous mangeons plus vite (d'où le succès du fast-food), nous dormons moins (en moyenne une heure de moins par nuit qu'il y a un siècle), nous communiquons de manière plus brève et plus fragmentée. Même nos loisirs deviennent frénétiques : nous cherchons à maximiser les expériences, à optimiser notre temps libre comme s'il s'agissait d'une ressource économique à exploiter au mieux.
Et je plaide 100% coupable d’ailleurs. Je m’observe faire avec un mélange de fierté de faire plein de choses et de pitié pour moi-même aussi.
J’avoue néanmoins que j’essaie au jour le jour de profiter d’un temps ralenti en particulier lorsque je suis à Lisbonne car cette ville invite à la lenteur et que ma vie sociale n’y est pas dense.

Cette accélération subjective crée un sentiment permanent d'urgence, l'impression de toujours "courir après le temps". Nous sommes constamment en retard sur nos propres attentes, nos propres objectifs. Et plus nous allons vite, plus cette pression semble s'intensifier.
Petit clin d’œil à ceux qui regardent des séries en faisant autre chose ou simplement ceux qui écoutent des podcasts, peut-être Vlan !, en faisant quelque chose d’autres en même temps pour « gagner du temps ».
Je ne vous jette pas la pierre, je suis le 1er à le faire.

Le cercle vicieux de l'accélération : la spirale infernale

Le plus troublant dans l'analyse de Rosa est la manière dont ces trois dimensions de l'accélération s'alimentent mutuellement dans un cercle vicieux qui semble impossible à briser.

L'accélération technique permet l'accélération du changement social, qui à son tour intensifie l'accélération du rythme de vie. Et cette dernière pousse à développer de nouvelles technologies encore plus rapides, ce qui relance le cycle.

Ce cercle vicieux est renforcé par trois moteurs principaux :

  • Le moteur économique : dans un système capitaliste basé sur la croissance et la compétition, aller plus vite signifie produire plus, vendre plus, gagner plus. "Le temps, c'est de l'argent" - cette formule n'a jamais été aussi vraie.

  • Le moteur culturel : notre société valorise la vitesse comme jamais. Être "réactif", "dynamique", "flexible" est devenu un impératif moral. À l'inverse, être lent est perçu comme un défaut, un signe de faiblesse. Suffit de regarder comment nous parlons des services administratifs.
    Nous associons leur lenteur à leur inefficacité évidente. Moi le premier.

  • Le moteur structurel : nos institutions, nos organisations, nos systèmes techniques sont conçus pour l'accélération. Ils récompensent ceux qui vont vite et pénalisent ceux qui prennent leur temps.

Mais le véritable drame se joue dans ce que Rosa appelle la "désynchronisation" : notre incapacité croissante à faire coïncider notre rythme de vie biologique et social avec celui imposé par le capitalisme 24/7.
Notre corps et notre psyché ne peuvent tout simplement pas suivre le rythme exigé par notre système économique et technologique. La vitesse pourquoi pas mais l’accélération est simplement trop forte pour qu’on arrive à suivre le rythme.
Enfin moi j’y arrive pas.

La société en mode "veille permanente" : une nouvelle forme d'aliénation

L'un des concepts les plus perturbants développés par Hartmut Rosa est celui "d'immobilisme frénétique" (rasender Stillstand en allemand) : nous courons de plus en plus vite pour rester sur place.
Ce phénomène d'accélération constante évoque parfaitement ce que les biologistes appellent "l'effet Reine Rouge", d'après le personnage d'Alice au Pays des Merveilles.
J’imagine que vous vous vous souvenez de cette scène étrange où Alice et la Reine Rouge courent à perdre haleine sans avancer d'un pouce. "Chez nous, explique la Reine à une Alice déconcertée, il faut courir aussi vite que possible pour simplement rester au même endroit."
Cette métaphore, reprise par le biologiste évolutionniste Leigh Van Valen, décrit parfaitement notre condition contemporaine.
Dans la course à l'adaptation sociale et économique, nous sommes comme des hamsters dans une roue qui tourne de plus en plus vite : augmenter sa productivité, mettre à jour ses compétences, rester "pertinent" sur un marché du travail en constante évolution... Tout cet effort frénétique ne vise plus le progrès mais simplement à éviter la régression, à ne pas "décrocher" d'un système qui accélère sans cesse.
D’autant que comme je l’ai montré dans des épisodes de Vlan !, on ne peut plus s’enrichir par son travail depuis 20 ans et donc on sent une pression toujours plus dense et on se sent regresser en même temps.
Et ce n’est pas qu’une impression.
Le système néo-libéral arrive à un paroxysme ou les très riches s’accaparent tout et les pauvres triment de plus en plus – et étrangement les pauvres arrivent à défendre les riches malgré tout – le rejet de la taxe Zucman en est l’exemple le plus évident.

Ce syndrome de la Reine Rouge illustre parfaitement le paradoxe fondamental de notre modernité tardive : l'accélération qui devait nous libérer est devenue notre prison.
Cette situation paradoxale se manifeste aussi bien au niveau individuel que collectif.
Individuellement, nous multiplions les activités, les projets, les expériences sans pour autant ressentir davantage d'accomplissement ou de satisfaction voire l’inverse.
Collectivement, notre société semble incapable de résoudre ses problèmes fondamentaux (inégalités, crise écologique, crises démocratiques) malgré une activité frénétique.
C’est même tout l’inverse car si nous nous arrêtions 2 minutes de courir, nous réaliserions que nous sommes en train de couper la branche sur laquelle nous sommes assis (aka détruire l’écosystème qui assure notre vie) et qu’occupés à courir on ne profite même pas de la vue.

Jonathan Crary, dans son essai provocateur 24/7 : Le capitalisme à l'assaut du sommeil, pousse cette analyse encore plus loin.
Pour lui, le capitalisme contemporain est engagé dans une guerre totale contre le temps humain lui-même.
On pense naturellement à cette phrase du fondateur de Netflix « mon plus grand concurrent c’est le sommeil lui-même » mais on voit aussi à quel point désormais un message, même professionnel, qui n’est pas répondu dans l’instant nous semble inacceptable.
Je me rappelle 20 ans en arrière être en vacances en Thaïlande et voir un mec au bord de l’eau avec son Blackberry et me dire à moi-même : « il faut vraiment être con pour prendre ses emails en vacances de cette manière, il ne profite de rien ». Pourtant aujourd’hui, je dois me battre avec moi-même pour ne pas prendre mon ordinateur en vacances. Le téléphone n’étant même pas une option en réalité.

"Open 24/7" - disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 - n'est pas seulement une promesse commerciale, c'est un idéal de vie sans pause, sans repos, sans limites. Un monde où même le sommeil devient un affront à la logique de production et de consommation perpétuelles.
Combien d’entre-nous nous sommes comparés à des machines en pensant que cela était une manière de se mettre en avant ? 

Crary démontre comment le modèle du soldat moderne (opérationnel 24/7, assisté par des stimulants, dormant le minimum nécessaire) devient progressivement le modèle de l'individu contemporain idéal : toujours disponible, toujours connecté, toujours "en veille".

Cette métaphore de la "veille" est particulièrement pertinente. Nos appareils électroniques ne s'éteignent plus complètement - ils restent en veille, prêts à être activés instantanément. De même, nous ne sommes plus vraiment "off" - même pendant nos moments de repos, nous restons disponibles, joignables, mobilisables à tout moment. Combien d’entres-vous ne font pas entrer leur portable dans la chambre ? Et pour combien d’entre vous, c’est la 1ereet la dernière chose que vous touchez chaque jour ? 

Cette disponibilité permanente constitue une forme inédite d'aliénation.
Expliqué simplement, l'aliénation désigne essentiellement un processus par lequel quelque chose qui nous appartient ou qui fait partie de nous nous devient étranger.
C'est une forme de séparation ou de dépossession qui nous éloigne de ce qui devrait naturellement nous appartenir.
Marx analysait déjà comment le capitalisme industriel aliénait le travailleur en le séparant du produit de son travail. Aujourd'hui, l'aliénation va plus loin : c'est notre rapport au temps lui-même qui nous est confisqué.

Ce qui me frappe particulièrement, c'est à quel point ce système nous a amenés à intérioriser la logique économique jusqu'à l'appliquer à nos existences personnelles.
Nous parlons de notre "capital santé", de notre "marque personnelle", de "l'optimisation" de nos relations sociales. Nous traitons notre propre vie comme une entreprise à gérer, à rendre plus efficace, plus productive.
Et certains de nos politiques vous disent que ce n’est pas assez par ailleurs…

Mais productifs pour quoi, au juste ? À qui profite réellement cette course effrénée ?

Le temps atomisé : quand le présent perd sa substance

Avez-vous déjà ressenti cette impression dérangeante que le temps lui-même s'accélère ? Que les années passent de plus en plus vite ? Que votre existence se fragmente en une multitude d'instants sans cohérence ?

Ce n'est pas simplement une illusion subjective. Selon le philosophe Byung-Chul Han auquel je me réfère souvent, nous vivons dans une société où le présent se contracte littéralement sous nos yeux.
Dans son ouvrage La Société de la fatigue, il développe le concept de "temps atomisé" : notre expérience temporelle se désintègre en une succession de points isolés qui manquent de direction, de cohérence ou de signification.

Cette atomisation du temps a plusieurs causes :

  • La fragmentation de l'attention : constamment sollicités par nos appareils, nos notifications, nos multiples tâches, nous devenons incapables de maintenir une attention soutenue sur quoi que ce soit. Notre concentration se morcelle en micro-épisodes de quelques secondes ou minutes.

  • La dictature de l'instant : notre culture valorise l'immédiateté, l'instantané, le temps réel. Tout délai devient insupportable. Nous voulons tout, tout de suite, sans attente, sans patience.

  • La dissolution des récits collectifs : les grands récits qui donnaient sens et direction à notre existence (religieux, politiques, culturels) s'effritent. Nous n'inscrivons plus notre temps vécu dans une narration plus large qui lui donnerait sens et cohérence.

  • L'hyperconnexion permanente : toujours branchés, toujours en ligne, nous vivons dans un présent perpétuel qui n'est plus structuré par des rituels, des rythmes sociaux, des alternances entre différents modes d'être.

L'IA et la digitalisation ne font qu'accentuer ce phénomène en supprimant toujours plus les "frictions" nécessaires à une expérience humaine significative.
Chaque moment de pause, chaque attente, chaque silence devient insupportable. Nous sommes conditionnés à remplir chaque seconde, à optimiser chaque instant comme s'il s'agissait d'une ressource limitée à exploiter au maximum.

Nous voilà dans un "enfer de l'identique", selon l'expression de Han, où les informations se succèdent sans combler le vide permanent dont nous sommes prisonniers. Notre vie n'est plus une narration qui se déploie, mais une série d'épisodes sans lien, un feed infini à scroller.

Cette atomisation du temps a des conséquences profondes sur notre psyché :

  • Perte du sens de la durée : nous devenons incapables d'expérimenter la continuité, la persistance, l'évolution graduelle. Tout devient éphémère, transitoire.

  • Érosion de la mémoire : sans expérience cohérente du temps, notre capacité à former des souvenirs significatifs s'affaiblit. Notre mémoire devient elle aussi fragmentaire, discontinue.

  • Impossibilité de la contemplation : la contemplation nécessite du temps, de la patience, une certaine forme d'immobilité attentive. Dans un monde d'accélération permanente, cette posture devient presque intenable. Et vous savez comme le concept d’Otium me plait.

  • Difficulté à projeter l'avenir : comment imaginer un futur cohérent quand le présent lui-même se désintègre ? Notre capacité à nous projeter, à former des projets de long terme, à nous engager dans des trajectoires durables s'érode.

De la société disciplinaire à la société de la performance : l'auto-exploitation comme norme

L'accélération constante n'est pas simplement un effet secondaire du progrès technique. Elle est devenue un impératif culturel, une forme de contrôle social bien plus insidieuse que les anciennes contraintes disciplinaires.

Byung-Chul Han analyse brillamment ce passage de ce qu'il appelle la "société disciplinaire" (analysée par Foucault) à la "société de la performance" ou "société de l'accomplissement".

Dans la société disciplinaire, le pouvoir s'exerçait principalement par la contrainte, l'interdiction, la répression. L'individu était soumis à des règles externes, des horaires fixes, des espaces clos (l'usine, l'école, la caserne, l'hôpital). Le slogan implicite était : "Tu dois."

Dans la société de la performance, le pouvoir prend une forme beaucoup plus subtile. Il ne s'agit plus d'interdire mais d'inciter, de motiver, de "responsabiliser". L'individu n'est plus tant soumis à des contraintes externes qu'à une injonction permanente à se dépasser lui-même. Le slogan devient : "Tu peux" (sous-entendu : "donc tu dois"). 

Ce glissement a des conséquences majeures :

  • L'exploitation devient auto-exploitation : nous ne sommes plus simplement exploités par un patron, un supérieur, une autorité extérieure. Nous nous exploitons nous-mêmes, poussés par cette injonction intériorisée à la performance.

  • La liberté devient contrainte : paradoxalement, c'est au nom de notre liberté que nous nous soumettons à ce régime d'auto-exploitation. "Sois libre", "Réalise-toi", "Deviens la meilleure version de toi-même" - ces slogans en apparence émancipateurs deviennent de nouvelles chaînes.

  • La responsabilité est individualisée : l'échec n'est plus attribué à des conditions sociales, des inégalités structurelles, des rapports de domination. Il est interprété comme une défaillance personnelle, un manque d'effort, de volonté ou d'ambition.

Cette logique de la performance illimitée conduit inévitablement à l'épuisement. Han parle d'une "société de la fatigue" (burnout society) où la dépression, l'anxiété, le syndrome d'épuisement professionnel ne sont plus des pathologies individuelles mais des symptômes d'un malaise civilisationnel.

Nous sommes littéralement épuisés d'exister dans ce régime d'accélération permanente. Notre corps et notre psyché ne peuvent tout simplement pas soutenir cette pression constante à la performance, cette nécessité de toujours courir plus vite simplement pour rester en place.

Et pourtant, nous continuons. Pourquoi ? Parce que l'alternative - ralentir, s'arrêter, questionner ce système - semble encore plus effrayante.
Et puis tout le monde court, cela parait donc sage de courir aussi non ?
Et j’avoue que de mon côté quand je pense à l’alternative, j’ai simplement…peur, peur de l’échec, peur d’être déclassé alors que je me suis tant battu pour évoluer dans les classes sociales, peur d’être rejeté par le système quelque part.
Dans un monde où la valeur d'un individu se mesure à sa productivité, à sa "réactivité", à sa capacité à suivre le rythme, prendre du recul équivaut à se condamner à l'insignifiance, à l'exclusion, à l'échec.

L'I.A et la suppression des frictions : libération ou ultime accélérateur ?

L'intelligence artificielle promet de supprimer toujours plus de frictions, d'optimiser chaque aspect de nos vies. Les grands acteurs de la tech nous vendent un futur où tout sera fluide, instantané, sans effort. Où la moindre friction - ce temps "perdu" à réfléchir, à chercher, à tâtonner - aura été éliminée.

Mais la friction n'est pas nécessairement un problème à résoudre. Elle est souvent une condition nécessaire à l'expérience humaine significative :

  • La friction cognitive est essentielle à l'apprentissage profond. C'est en luttant avec des idées difficiles, en traversant la confusion, en faisant l'expérience de l'erreur que nous développons une véritable compréhension.

  • La friction émotionnelle - ces moments d'inconfort, de doute, d'hésitation - est fondamentale pour notre développement psychologique. C'est à travers elle que nous apprenons à nous connaître, à réguler nos émotions, à développer notre intelligence émotionnelle. 

  • La friction sociale - ces malentendus, ces négociations, ces ajustements constants que requiert toute relation humaine - est au cœur de notre capacité à former des liens authentiques avec autrui.

En promettant d'éliminer ces frictions, l'IA ne risque-t-elle pas d'appauvrir considérablement notre expérience du monde ? De nous priver précisément de ces moments d'effort, de recherche, de tâtonnement qui donnent du sens et de la profondeur à notre existence ?

Sans friction, il n'y a pas de chaleur, pas d'étincelle, pas de créativité véritable. Ce n’est pas juste nos compétences ou le sens de la vie que nous perdons ce faisant. Nous nous perdons nous même et volontairement. La fluidité parfaite que promet la technologie pourrait bien être le stade ultime de notre aliénation.

Car ce qui se joue ici n'est pas simplement une question de confort ou d'efficacité. C'est notre capacité même à être présents au monde, à vivre des expériences significatives, à construire du sens collectivement.

L'IA générative en particulier pose des questions troublantes sur notre rapport au temps et à la création. En permettant de produire instantanément ce qui prenait auparavant des heures, des jours, voire des années de travail, ne risque-t-elle pas d'accentuer encore cette dévaluation du temps dont parle Rosa ?

Si tout peut être produit instantanément, que devient la valeur du temps humain consacré à la création, à l'apprentissage, à la maîtrise d'un art ou d'un métier ? Si l'IA peut générer en quelques secondes un texte, une image, une musique "convaincants", que devient l'expérience humaine de l'effort créatif, avec ses tâtonnements, ses erreurs, ses recommencements ?

Comme l'écrit le physicien Carlo Rovelli dans L'ordre du temps, "le temps n'est pas ce que nos équations voudraient qu'il soit". Le temps humain n'est pas réductible à une succession d'instants homogènes, il est qualitatif, hétérogène, tissé d'intensités variables, de rythmes multiples, d'accélérations et de ralentissements significatifs.
Et d’ailleurs, c’est justement notre finitude dans le temps et l’espace qui nous permet la créativité disruptive.

En prétendant optimiser notre rapport au temps, la technologie risque en réalité de nous en déposséder définitivement.

 

Retrouver le temps vécu contre le temps chronométré : vers une résistance

Face à cette accélération qui nous dépossède de notre temps, que pouvons-nous faire ? Peut-être faut-il commencer par distinguer, comme le suggérait Bergson, le temps mécanique, chronométré (chronos) du temps vécu, significatif (kairos).

Le temps mécanique est homogène, divisible, quantifiable - parfait pour l'organisation capitaliste du travail. Le temps vécu, lui, est qualitatif, hétérogène, rythmé par l'intensité de nos expériences plutôt que par le tic-tac régulier de l'horloge.

Car comme le suggère Rosa dans ses travaux plus récents sur la "résonance", c'est peut-être là que se trouve la clé : dans notre capacité à entrer en résonance avec le monde et les autres, à vivre des expériences qui nous touchent et nous transforment plutôt que de simplement accumuler des "expériences" comme on accumule des biens.

La résonance, selon Rosa, se caractérise par quatre éléments qui fonctionnent ensemble :

  1. L'affection : être touché, ému, interpellé par quelque chose ou quelqu'un.

  2. L'auto-efficacité : sentir qu'on peut répondre, agir, exercer une influence.

  3. La transformation : être changé par l'expérience, ne pas en ressortir identique.

  4. L'indisponibilité : la résonance ne peut être forcée, programmée, contrôlée - elle survient, elle nous surprend.

D’ailleurs, je pense que c’est impotant de noter que l'expérience de résonance est fondamentalement incompatible avec l'abondance illimitée que nous promettent les plateformes numériques.
C’est contre intuitif mais j’essaie de vous exliquer.
D’abord parce que la résonance n'est pas une simple accumulation d'expériences ou une maximisation de plaisirs.
Elle suppose une relation transformative avec le monde, une rencontre authentique qui nous affecte et nous change.
Or, cette transformation exige précisément ce que notre économie de l'attention s'efforce d'éliminer : la résistance, la friction, la profondeur, l'attente.
Prenons la musique : acheter un CD, c’est un engagement financier, physique (il faut y aller, réserver de l’espace pour le disque, mettre le disque dans le lecteur…), c’est avoir une relation avec l’objet et avec chacune des chansons.
Que se passe t’il quand Spotify propose 100 millions de titres ?
Cette abondance illimitée de musique ne facilite pas la résonance – elle la rend presque impossible.
Quand nous pouvons accéder instantanément à n'importe quelle chanson, quand rien ne résiste à notre désir immédiat, la musique devient un simple bien de consommation.
Pour qu'une œuvre musicale résonne véritablement en nous, elle doit nous opposer une certaine résistance, exiger un effort d'attention, s'inscrire dans une durée qui n'est pas celle du "skip" perpétuel.
L'histoire de la musique est remplie d'œuvres qui nous ont d'abord rebutés, puis progressivement transformés à mesure que nous leur accordions notre temps et notre attention répétée.
Les applications de rencontres illustrent aussi parfaitement ce paradoxe : le scroll infini des profils, loin de favoriser la rencontre authentique, la rend plus difficile encore.
La résonance avec autrui exige une ouverture à l'imprévisible, à l'altérité radicale, à ce qui échappe à nos critères de recherche et à nos algorithmes de compatibilité.
Elle suppose d'accepter la vulnérabilité, l'incertitude, le risque d'être transformé par la rencontre.
Mais comment se rendre disponible à cette transformation quand le prochain profil n'est qu'à un swipe de distance ?
La logique même de ces applications – maximiser les options, optimiser les choix – est antithétique à l'expérience de résonance qui exige de s'arrêter, de s'engager, de se laisser toucher.
Quant aux IA conversationnelles et aux robots "compagnons", ils représentent peut-être l'ultime illusion de notre époque : la promesse d'une résonance sans risque, d'une relation sans vulnérabilité.
Ces machines sont conçues pour maximiser notre confort émotionnel, pour nous renvoyer en permanence une image de nous-mêmes légèrement améliorée.
Mais la résonance authentique n'est pas un miroir narcissique – elle est une fenêtre ouverte sur l'altérité. Elle naît précisément de ce que l'autre ne peut pas être entièrement prédit, contrôlé ou programmé.
Ce que ces technologies ont en commun, c'est qu'elles promettent de nous donner tout ce que nous voulons, exactement comme nous le voulons, instantanément.
Mais ce faisant, elles éliminent précisément ce qui rend la résonance possible : l'indisponibilité.
Pour Rosa, l'indisponibilité est une caractéristique essentielle de la résonance – elle ne peut être forcée, planifiée, produite à volonté. Elle survient, nous surprend, échappe à notre contrôle.
C'est précisément cette qualité que nos technologies d'optimisation cherchent à éliminer.
En rendant tout disponible, accessible, consommable à l'infini, nous n'avons pas augmenté nos chances de résonance – nous les avons drastiquement réduites.
Car l'abondance sans limite génère paradoxalement une forme de rareté : celle de l'attention soutenue, de l'engagement profond, de la capacité à être véritablement touché par quelque chose ou quelqu'un.

La vraie résonance exige que nous acceptions la finitude – la nôtre et celle du monde.
C’est pourquoi nous sommes toujours charmés par un coucher de soleil ou une étoile filante.
Nous ne contrôlons rien, les couleurs sont différentes d’un soir sur l’autre, ce n’est qu’une fois par jour à un moment que nous ne pouvons pas décidé.
Un coucher de soleil sur demande n’aurait plus aucun charme ni résonnance.
La résonnance demande que nous fassions des choix, que nous renoncions à l'illusion de pouvoir tout avoir, tout expérimenter, tout consommer.
Elle nous invite à cultiver la profondeur plutôt que l'étendue, l'intensité plutôt que la diversité, la relation durable plutôt que la stimulation perpétuelle.

Ces moments de résonance - qu'ils surviennent dans notre rapport à la nature, à l'art, à autrui ou à notre propre corps - constituent des "oasis" dans le désert de l'accélération. Ils nous offrent une expérience du temps radicalement différente : non plus le temps homogène et vide de la production, mais un temps plein, intense, significatif.

Mais comment cultiver cette résonance dans un monde qui nous pousse constamment vers l'accélération, la performance, l'optimisation ?

Peut-être faut-il commencer par des gestes de résistance quotidiens :

  • Créer des espaces et des moments "déconnectés" où nous nous libérons de l'emprise des technologies d'accélération. Des sanctuaires temporels où le temps peut se déployer à son propre rythme.

  • Réhabiliter l'ennui, l'attente, le vide - non comme des problèmes à résoudre mais comme des ouvertures, des possibilités, des respirations nécessaires dans le flux incessant de stimulations.

  • Cultiver des pratiques "lentes" ou "profondes" - qu'il s'agisse de lecture approfondie, de conversation sans agenda, de méditation, de préparation d'un repas, de jardinage, ou de toute activité qui requiert patience et présence comme l’écriture de cette newsletter par exemple.
    La seule complexité étant que si vous la faite avec un objectif précis en tête alors vous échouerez nécessairement, il faut pratiquer en sortant d’une logique performative.

  • Réapprendre à distinguer l'urgent de l'important - et à privilégier systématiquement le second sur le premier. Résister à la tyrannie de l'urgence qui caractérise notre époque.

  • Expérimenter d'autres temporalités - celles de la nature (avec ses cycles, ses saisons, ses rythmes propres), celles de l'art (qui suspend le temps ordinaire pour nous ouvrir à d'autres expériences temporelles), celles du jeu (qui crée son propre temps, ses propres règles).

 

Une révolution de la temporalité est-elle possible ?

Pas un ralentissement qui serait simplement une nouvelle marchandise à vendre (comme le suggèrent les innombrables livres sur la "slow life" ou la méditation), mais un ralentissement qui permettrait de reconstruire des solidarités, de tisser des liens durables, de réfléchir collectivement à la société que nous voulons.

Car n'est-ce pas précisément ce dont le système a peur ? Que nous prenions le temps de penser, de ressentir, de nous organiser ? Que nous sortions de cette course effrénée pour lever les yeux et contempler l'horizon ?

Vous pouvez commencé, comme moi, par un truc super simple :prendre le temps de mâcher votre nourriture – j’avoue cest pas très inspirant mais c’est un début (et ca fera du bien à votre transit et votre poids).

Rosa lui-même suggère que le projet politique le plus radical aujourd'hui serait peut-être de réaffirmer notre droit au temps - non pas comme une ressource à exploiter mais comme le médium même de notre existence partagée. Un temps qui ne serait plus soumis à la logique de l'accélération capitaliste, mais rythmé par les besoins humains, les cycles naturels, les aspirations collectives.

Concrètement, cela pourrait passer par :

  • Une réduction massive du temps de travail, non pas comme un "luxe" réservé à quelques privilégiés ni une contrainte liée à l’I..A mais comme un droit fondamental permettant à chacun de réinvestir d'autres sphères d'existence (création, éducation, soin, engagement citoyen, contemplation).

  • Une redéfinition radicale de ce que nous considérons comme "productif", pour y inclure toutes ces activités essentielles à la vie commune mais invisibilisées par la logique capitaliste (soin, éducation, maintien des communs, création culturelle, participation démocratique).

  • Une reconquête des rythmes collectifs - ces alternances entre temps de travail et temps de repos, entre activité et contemplation, entre production et célébration qui structurent l'expérience sociale du temps.

  • Une limitation juridique et technique de la connectivité permanente, pour protéger notre droit à la déconnexion, à l'indisponibilité, au silence.

  • Une réhabilitation des institutions qui "prennent du temps" - délibération démocratique, éducation, justice, recherche, création - contre l'immédiateté de la logique marchande et technique.

Alors cette fois, j’ai bien conscience que c’est un peu « haut » mais entre prendre le temps de mâcher et réhabilité des institutions qui prennent le temps, il y a d’innombrables possibilités, l’essentiel étant de prendre le temps de réfléchir à ce sujet de manière différente comme vous venez de le faire en lisant cette newsletter.

La vraie question n'est peut-être pas "Comment gagner du temps ?" mais plutôt "Comment se réapproprier notre temps ?" Comment le libérer de l'emprise d'un système qui transforme chaque seconde en opportunité d'extraire de la valeur ?

Car comme l'écrivait déjà Sénèque il y a deux millénaires dans De la brièveté de la vie : "Ce n'est pas que nous ayons peu de temps, c'est que nous en perdons beaucoup."
Notre temps ne nous appartient plus - il est colonisé par le travail, la consommation, Le divertissement, l'hyper-connectivité. Se le réapproprier est devenu un acte politique.

 

Un autre rapport au temps est possible

Je ne prétends pas avoir toutes les réponses, mais je suis convaincu que notre rapport au temps définit fondamentalement notre rapport au monde. Et qu'en ce sens, repenser notre temporalité est un acte profondément politique.

Il ne s'agit pas de rejeter en bloc la technologie ou le progrès, mais de les mettre au service d'une conception plus riche, plus profonde, plus humaine du temps. Un temps qui ne serait plus vécu comme une ressource rare à optimiser, mais comme le médium même de notre existence partagée.

Ce que nous cherchons, ce n'est pas simplement à "ralentir" - comme si la vitesse était le seul problème. C'est à reconquérir notre autonomie temporelle - notre capacité à déterminer nous-mêmes, individuellement et collectivement, comment nous voulons habiter le temps.

Comme l'écrit magnifiquement Carlo Rovelli : "Le temps est ignorance."
Notre expérience subjective du temps est indissociable de notre finitude, de notre incertitude, de notre incomplétude fondamentale.
Vouloir maîtriser parfaitement le temps, l'optimiser, l'accélérer sans fin, c'est peut-être refuser cette condition humaine fondamentale.

Accepter notre temporalité humaine, avec ses limites, ses rythmes propres, ses incertitudes, ce n'est pas renoncer au progrès. C'est au contraire ouvrir la possibilité d'un progrès authentique, qui ne se mesurerait plus à l'aune de la vitesse, de l'efficacité ou de la productivité, mais à celle de la qualité de notre présence au monde, de la richesse de nos relations, de la profondeur de nos expériences.

Et vous, quel est votre rapport au temps ? Ressentez-vous cette accélération constante ? Avez-vous trouvé des moyens d'y résister ? J'aimerais vraiment connaître vos expériences, vos réflexions, vos stratégies pour habiter différemment le temps dans ce monde qui semble toujours plus pressé.

Car c'est peut-être en partageant nos expériences, en prenant le temps d'une réflexion commune, que nous commencerons à imaginer un autre rapport au temps. Un temps qui ne serait plus celui de la performance et de l'accélération, mais celui de la présence et de la résonance.

Un temps qui nous appartiendrait vraiment.

P.S. : Si ce sujet vous intéresse, je vous recommande la lecture des ouvrages suivants :

  • "Accélération" et "Résonance" de Hartmut Rosa

  • "24/7 : Le capitalisme à l'assaut du sommeil" de Jonathan Crary

  • "La société de la fatigue" de Byung-Chul Han

  • "L'ordre du temps" de Carlo Rovelli (pour une approche plus physique et philosophique du temps)

Cette semaine sur Vlan!

#370 Comment le digital redéfinit la souverainté, la pensée et le pouvoir avec Gilles Babinet

Gilles Babinet, multi-entrepreneur, président de Café IA et ancien président du Conseil National du Numérique, est une figure incontournable pour décrypter les enjeux numériques européens.
Dans cet épisode, nous plongeons ensemble dans une réflexion autour de la souveraineté numérique. En tant qu’Européens, nous utilisons massivement des services américains ou chinois – des réseaux sociaux à l’IA en passant par le cloud – sans toujours saisir les implications profondes que cela entraîne sur notre liberté de penser, notre démocratie et notre modèle de société.
J’ai questionné Gilles sur des sujets qui me tiennent à cœur : la domination des plateformes, le rôle des I.A. génératives dans la manipulation de l’opinion, le techno-féodalisme, l’inaction européenne, mais aussi les possibles voies de résistance. Nous avons parlé des alternatives européennes, de la culture du risque, de la productivité réelle de l’IA mais aussi du paradoxe de Solow.

#63 Transformer une culture d’entreprise par l’exemple avec Christian Petit

Christian Petit est un dirigeant hors norme. Ancien CEO de Romande Énergie, il a commencé sa carrière... dans les centres d’appel. Une expérience fondatrice qui a façonné toute sa vision du leadership, de l’entreprise et de la relation client.

Dans cet épisode, nous parlons de care, de l'importance de remettre l'humain au cœur des organisations et de ce que cela change profondément dans la culture d’une entreprise. J’ai questionné Christian sur son parcours, sur ce qui l’a poussé à toujours défendre la dignité de chaque collaborateur, en particulier dans les métiers souvent invisibilisés comme le service client.

Il partage des histoires bouleversantes et inspirantes sur des collaborateurs qui, parce qu’ils se sentaient reconnus, ont fait preuve d’une humanité incroyable. Un CD gravé pour conserver la voix d’un mari disparu, des courses faites pour une vieille dame par une téléconseillère... Ce sont ces gestes simples, mais puissants, qui font toute la différence.

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Des liens tout à fait incroyables

  1.  La dépression saisonnière n’est pas qu’une histoire de saison
    Arrive l’hiver et avec lui, cette petite déprime que vous connaissez peut être. Je ne suis pas trop sensible à la dépression mais je reconnais facilement que j’ai moins d’énergie et que je suis moins enthousiasme à cette periode. Alors pourquoi? Pour mieux comprendre le phénomène, je vous invite à lire cet article,

  2. Connaissez vous la scène pop néo-reac?

    J’avoue que je n’avais jamais pensé à cette manière pour manipuler les gens et pourtant, c’est évidemment essentielle. Je crois que j’ai toujours associé les artistes à des personnes libres et indépendantes mais il est évidemment possible de les pousser, de les financer voire même de les créer de toutes pièces. Et c’est exactement une des stratégies du milliardiare Peter Thiel (Paypal…) pour faire avancer ses idées. On a désormais des ado, des adultes qui écoutent des musiques qui sans se rendent nécessairement compte influent sur leurs croyances.

  3. Pourquoi une réduction de la population ne bénéficie pas nécessairement à la biodiversité

    A travers le Covid mais aussi simplement par bon sens, il nous semble que l’activité humaine est néfaste à la biodiversité mais qu’est ce qui se passe quand la population diminue dans une zone? Est-ce que la biodiversité reprend le dessus comme ca a été le cas pour Tchernobyl?
    Une chercheuse japonnaise nous explique que non en se basant sur des zones de son pays notamment.
    Pour tout comprendre, c’est ici.

Je me limiterais toujours à 3 liens donc voilà c’est tout pour cette semaine (sachant que Vlan! La newsletter C’est bimensuel comme Vlan! Leadership), n’hésitez pas à me faire des retours et à partager la newsletter à vos amis, collègues, connaissances si vous la trouvez pertinente. Il y a un bouton juste en dessous !

Vlan!

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Par gregory pouy

Je suis Grégory Pouy, un passionné des liens humains et des transformations qui façonnent notre société. Après des années dans le monde de la transformation digitale, j’ai décidé de prendre un autre chemin : celui de la réflexion, de l’authenticité et de la nuance.

Je suis profondément convaincu que dans un monde qui va toujours plus vite, prendre le temps de comprendre est une force.

À travers mon podcast, mes écrits, mes conférences et mes accompagnements et désormais cette newsletter je cherche à donner des clés pour mieux appréhender le monde, avec lucidité et bienveillance afind d’être plus serei dans un monde instable.

Ce qui me motive, c’est d’aider chacun à poser un regard différent sur la vie, à s’interroger sur ce qui compte vraiment, et à nourrir des liens profonds et sincères. Je ne prétends pas avoir toutes les réponses, mais je pose les bonnes questions – celles qui permettent d’avancer avec plus de clarté et de conscience

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