Il y a quelques semaines, je me suis surpris à rêver d’acheter un tapis de marche. Assis devant mon écran, je comparais les modèles, je regardais les différentes options (pliables ou pas), comparais les prix. Mais si je suis vraiment sincère avec moi-même, j’ai vu ce tapis de marche chez une amie, je parle beaucoup de mouvement avec mon ami Alex...
Si je vous demande ce que vous désirez, vous allez répondre une chose ou une autre.
Mais que désirez-vous vraiment ?
Combien de fois avez-vous désiré quelque chose parce que votre collègue, votre beau-frère ou cette personne sur Instagram le possédait ? Il peut basiquement s’agir d’un objet mais cela peut aussi être une envie de couple, de vacances, d’enfants ou simplement d’un chien...
Trop souvent on désire des « choses » pour combler un vide qui n'avait rien à voir avec l’objet de la convoitise. Combien de fois avez-vous cru vouloir quelque chose alors qu'en réalité, vous ne faisiez que singer les désirs des autres ? Mais surtout combien de fois avez-vous ressenti le vide après avoir acquis l’objet en question.
Si ces questions vous dérangent, c'est normal. Elles remettent en cause l’une des illusions les plus tenace de notre époque individualiste : celle que nos désirs nous appartiennent.
Qu'ils jaillissent spontanément de notre être le plus authentique. Qu'ils sont le reflet de notre personnalité unique et singulière. Mensonge.
Avant d’aller plus loin dans cette newsletter, j’ai un truc IMPORTANT (en capitale, c’est dire) à vous partager. Je lance cette semaine, un truc DE FOU.
J’ai toujours considéré Vlan! comme un pont entre les sujets, entre les personnes, entre vous et moi.
Cette semaine, je lance un nouveau format dans lequel je créé une rencontre entre le comédien Raphael Quenard et le philosophe Charles Pepin. Ce n’est pas une interview, c’est un pont entre 2 mondes.
Ce format est aussi né d’une rencontre avec Amaury de Breakbuild et je suis SUPER EXCITE de vous proposer ce nouveau format!
Voilà vous pouvez continuer la lecture.
La vérité, c'est que nous sommes des marionnettes du désir. Des pantins qui dansent au rythme d'une musique composée par d'autres : la culture, les croyances, les valeurs, mais aussi évidemment la publicité, les réseaux sociaux, nos familles, nos collègues.
Cette société de consommation qui a fait du désir son carburant le plus efficace.
Après des décennies passées à courir après mille objets de convoitise, je commence enfin à prendre un léger (très léger) pas de recul sur ce mécanisme que j’observais sans pouvoir me maîtriser. Et c'est vertigineux.
Alors avant d’affirmer que votre désir est xy ou z, avant de vous lancer dans une énième quête effrénée du bonheur par un élément extérieur à vous, posons-nous cette question dérangeante : qu'est-ce que je désire vraiment ?
On pourrait croire qu'avec l'âge vient la sagesse. Que passé 40 ans, on a suffisamment d'expérience pour distinguer nos vrais désirs de nos lubies passagères. Qu'on a appris de nos erreurs, qu'on ne tombe plus dans les pièges grossiers du marketing. Naïveté.
L'autre jour, en me baladant à la Fnac, je me suis retrouvé devant le rayon des montres connectées.
Même si je déteste cette idée de tout mesurer parce que je sais que cela va me générer du stress, j'ai ressenti cette envie familière, cette pulsion d'achat et j’ai commencé à comparer les modèles.
Pour ma défense, il faut savoir que j’adore les gadgets (vous aurez compris avec le tapis de marche…).
Peut être que cette montre pourrait révolutionner ma façon de faire du sport, d'organiser ma journée, de gérer ma santé. Elle pourrait faire de moi un homme plus performant, plus organisé, plus moderne.
Mais d'où venait vraiment cette envie ?
De cette personne que je follow sur Instagram ? De mes amis à la salle de sport qui en portent tous une et qui ne cessent de vanter les mérites de leur dernière acquisition technologique ? Peut-être de cette peur sourde de vieillir, de perdre le contrôle sur ma santé ?
La vérité, c'est que nos désirs de quadragénaires sont souvent plus pernicieux que ceux de nos vingt ans. Car ils se parent des atours de la rationalité. Nous ne voulons plus cette voiture par pur plaisir, nous la voulons pour "optimiser nos trajets". Nous ne désirons plus cette maison par ostentation, mais pour "investir dans notre patrimoine". Nous ne convoitons plus cet objet par caprice, mais parce qu'il va "améliorer notre qualité de vie".
Nos désirs ont appris à mentir mieux que nous.
J’ai grandi avec l’idée de m’émanciper par le travail et par conséquent, il y a une période de ma vie durant laquelle je pensais que le succès par l’accumulation (travail, notoriété…) était mon graal.
J'ai passé des années à grimper les échelons, à décrocher des promotions, à augmenter mon salaire puis en créant mon blog puis mon podcast, j’ai obtenu encore plus de reconnaissance…. Chaque victoire était censée m'apporter cette satisfaction profonde que je cherchais. Le problème, c'est qu’elle ne venait jamais ou plutôt elle venait et repartait aussitôt me laissant parfois dans un état de joie inférieur à l’état précédent.
À chaque nouveau poste obtenu, à chaque augmentation, à chaque reconnaissance, la même déception m'attendait. L'objet de mon désir, une fois atteint, perdait instantanément de sa superbe. Il rejoignait la longue liste de ces victoires creuses qui n'avaient pas tenu leurs promesses.
Rousseau l'avait bien compris il y a trois siècles : "Nous jouissons de ce que nous espérons, bien plus que de ce que nous possédons." Le philosophe allait même plus loin : "L'illusion cesse où commence la jouissance."
D’ailleurs depuis les neurosciences lui a donné raison puisque l’on sait que la dopamine est libérée par la quête mais pas par l’accession à l’objet du désir.
C'est exactement ce qui m'arrivait (et qui m’arrive toujours mais j’ai un peu recul). Je vivais dans l'attente permanente du prochain objectif, de la prochaine réussite, du prochain plaisir. Et quand j'y arrivais enfin, la magie s'évanouissait instantanément. L'objet de mon désir retrouvait sa banalité, sa matérialité décevante.
Cela me fait penser à une conversation avec Mo Gawdat sur Vlan ! qui parlait de sa nouvelle BMW. Une fois les papiers signés, elle n'était plus qu'une voiture comme les autres. Certes plus silencieuse, certes plus technologique, mais incapable de combler ce vide existentiel qu'elle était censée remplir.
Si nos grands-parents se comparaient à leurs voisins et à leurs collègues de bureau, nous, nous avons Instagram, Tiktok, Facebook voire Linkedin.
Cette fenêtre permanente sur la réussite apparente des autres. Et c'est un poison.
Chaque matin, en scrollant machinalement sur mon téléphone, je vois défiler les succès de mes "contacts". Celui-ci qui vend sa start-up, celle-là qui décroche une médaille à un marathon, cet autre qui se marie ou a un enfant. Et à chaque fois, la même petite voix intérieure qui murmure : "Et toi, qu'est-ce que tu fais de ta vie ?"
On juge toujours notre vie par le vide naturellement et on oublie trop vite la chance que l’on a.
L’anthropologue René Girard avait identifié ce mécanisme bien avant l'ère numérique : le désir mimétique. Nous ne désirons jamais spontanément, nous désirons ce que d'autres désirent, ou ce qu'ils possèdent.
Le désir est triangulaire : il y a nous, l'objet de notre convoitise, et le médiateur – cette personne que nous admirons et dont nous copions les désirs sans même nous en rendre compte.
Le mensonge romantique, comme l'appelle Girard, c'est de croire que nos désirs sont uniques et spontanés. La vérité, c'est que nous passons notre vie à singer des modèles, souvent sans même nous en apercevoir.
Cette envie soudaine de me faire du Kite après avoir vu mon amie publier ses photos de Dahla, ce désir de déménager à la campagne après avoir visité la maison de ma meilleure amie…les exemples sont multiples et variés. Mais combien de nos envies sont-elles vraiment nôtres ?
Michel Clouscard nous donne une clé essentielle pour comprendre notre époque. Ce sociologue français a analysé comment notre société a muté après Mai 68, passant d'un capitalisme de la répression à un capitalisme de la jouissance.
Fini le temps où il fallait se priver, travailler dur et attendre. Place à l'ère de la libération du désir, de la transgression, de la permissivité. "Faites-vous plaisir", "Vous le méritez bien", "La vie est trop courte" : ces slogans ne sont pas innocents.
Le génie pervers de ce nouveau capitalisme est d’avoir compris que le désir, contrairement aux besoins, est illimité.
Nous avons un nombre fini de besoins : manger, dormir, nous abriter, nous reproduire, appartenir, nous développer. La pyramide de Maslow en somme.
Mais nos désirs ? Ils sont infinis. Et c'est exactement ce dont a besoin une économie basée sur la croissance perpétuelle.
Je suis une cible de choix pour cette machine.
J'ai un pouvoir d'achat et quelques frustrations accumulées. On me vend la retraite qui va optimiser ma forme physique (sous-entendu : tu vieillis, il faut réagir). On me propose la formation en I.A. (sous-entendu : tu stagne, les jeunes vont te dépasser). On m'offre l'expérience qui va enrichir ma vie (sous-entendu : tu es en train de la gâcher).
Ca me renvoie à cette célèbre citation du film Fight Club : « Nous achetons des choses dont nous n’avons pas besoin avec de l’argent que nous n’avons pas pour impressionner des personnes que nous n’aimons pas ».
D’ailleurs, cette phrase me parlait tellement qu’il y a 15 ans, j’ai demandé à un artiste de me faire une œuvre avec.
Cette voiture électrique qui va montrer votre engagement écologique. Ce cours d’œnologie qui va révéler votre sophistication. Cette retraite de développement personnel qui va enfin vous révéler à vous-même. Cette belle demeure qui va prouver votre succès.
Et nous, pauvres hamsters de la consommation, nous courons inlassablement dans notre roue, persuadés d'avancer vers le bonheur.
Il y a une autre force qui sculpte nos désirs dans l'ombre, et celle-ci est particulièrement puissante : notre habitus, comme l'appelle Pierre Bourdieu.
Cette sorte d'empreinte sociale que notre milieu d'origine grave en nous et influence tout : nos goûts, nos comportements, nos aspirations. Et elle continue d'agir bien après que nous ayons quitté le nid familial.
C’est particulièrement vrai pour moi mais je vous explique.
J'ai grandi dans une famille de classe moyenne-basse mais je suis un transclasse, c’est-à-dire une personne qui ait gravit plusieurs classes sociales en même temps.
Une fois arrivé dans ces nouveaux cercles il m’a fallu comprendre les codes et j’ai ressenti le besoin de les surjouer pour appartenir. Cela s’immisce à tous les endroits du quotidien : lieux, sport, manière de se présenter au monde, vocabulaire, loisirs…
Ces désirs me semblaient authentiques, viscéraux même. En réalité, ils étaient le fruit d’un système de valeurs que j’essayais d’intérioriser sans m'en apercevoir.
Nos désirs sont les enfants secrets de notre histoire familiale, de notre classe sociale, de notre environnement culturel ou de celui que l’on essaie d’intégrer.
Pourquoi ai-je longtemps rêvé d'une grande maison avec jardin ? Parce que c'était le modèle de réussite de mon nouveau cercle social ? Pourquoi cette obsession pour les voyages culturels ? Parce que dans mon milieu, c'était considéré comme l'apanage des gens cultivés. Pourquoi cette attirance pour certains restaurants, certains quartiers, certaines activités ? Parce qu'ils correspondent aux codes de ma classe sociale d’adoption ?
Qu’est ce qui m’appartient exactement dans tout cela ?
L'habitus explique pourquoi nous avons souvent des goûts similaires à ceux de notre entourage, pourquoi certaines envies nous semblent naturelles alors qu'elles sont socialement construites.
Le plus troublant, c'est que même nos désirs de transgression, nos envies de sortir des sentiers battus, sont eux aussi souvent codifiés par notre milieu.
Admettons que nous parvenions à identifier nos vrais désirs, ceux qui nous appartiennent vraiment. Un autre piège nous attend, et celui-ci est peut-être le plus redoutable : l'insatiabilité de l'esprit humain.
Dans la lignée de Rousseau, Émile Durkheim a bien analysé ce phénomène : contrairement aux animaux dont les besoins sont naturellement limités par leur organisme, nous, humains, sommes condamnés à désirer toujours plus. Notre réflexion et notre imagination nous poussent constamment au-delà du nécessaire, vers des "fins indéfinies" qui reculent à mesure que nous nous en approchons.
J'ai vécu cette malédiction dans tous les domaines de ma vie. Plus j'obtenais de reconnaissance sociale, plus j'en voulais. Plus mon niveau de vie s'améliorait, plus je me comparais avec d’autres qui avaient « plus ».
Plus je décrochais de victoires, plus l'idée de l'échec me terrorisait. Les satisfactions, loin d'apaiser mes besoins, ne font que les stimuler.
Cette angoisse sourde du temps qui passe transforme chaque désir non satisfait en urgence. Cette envie de voyage reportée depuis des années ? Il faut absolument la concrétiser maintenant. Cette passion mise de côté pour la carrière ? C'est le moment ou jamais. Cette expérience qu'on s'est toujours interdite ? Il faut oser avant qu'il ne soit trop tard.
C'est le paradoxe tragique du désir humain : plus nous avons, plus nous voulons. Plus nous satisfaisons nos envies, plus elles se multiplient.
Il faut parler de ce phénomène qui explose depuis quelques années : l'industrie du développement personnel. Coaching, formations, séminaires, livres, podcasts... Un marché de plusieurs milliards qui nous promet de nous aider à "révéler notre potentiel" et à "vivre nos rêves".
Plusieurs problèmes : d’abord on remet sur les épaules individuelles des problèmes qui sont systémique mais aussi, comme je le soulignais dans mon Tedx, cette industrie ne nous aide pas à découvrir nos vrais désirs. Elle nous en vend de nouveaux.
Prenez n'importe quel coach en développement personnel. Il va vous expliquer qu'il faut "sortir de votre zone de confort", "oser vos rêves", "ne plus avoir peur de l'échec". Ces injonctions semblent libératrices, mais elles créent en réalité de nouveaux désirs formatés.
Soudain, nous devons désirer le risque, l'aventure, l'entrepreneuriat. Nous devons avoir envie de "disrupter", d'"innover", de "nous réinventer", de trouver des « life hack ». Si nous sommes satisfaits de notre vie tranquille, c'est que nous manquons d'ambition. Si nous n'avons pas de "passion" clairement identifiée, c'est que nous ne nous connaissons pas assez.
J'ai moi-même été pris dans cette tendance bien sûr, j’ai lu beaucoup de livres, fait pas mal d’épisodes sur Vlan ! sur le sujet.
Même si j’ai la sensation de n’avoir jamais été très loin dans cette tendance, il faut bien admettre que tous répètent la même chose : "Vous n'exploitez pas votre potentiel." "Vous pourriez faire tellement mieux." "Il faut oser le changement." Mais dans le même temps «acceptez-vous comme vous êtes » ou « faites de votre mieux ». Bonjour les injonctions contradictoires.
Justement en parlant de cela, notre époque est obsédée par l'authenticité. "Soyez vous-même", "Assumez qui vous êtes", "Libérez votre vraie nature". Ces mantras du développement personnel semblent évidents.
Qui pourrait être contre l'authenticité ? Moi.
Parce que cette injonction à l'authenticité crée un paradoxe insoluble : comment peut-on être spontanément soi-même quand on nous dit sans cesse comment être soi-même ?
Cette recherche frénétique de notre "vraie nature" devient elle-même un désir mimétique. Nous désirons désirer authentiquement. Nous voulons vouloir sincèrement. Nous cherchons à nous trouver parce que tout le monde cherche à se trouver.
L'authenticité est devenue un produit de consommation comme un autre et on voit, particulièrement sur Instagram, ce que je pourrais décrire comme une authenticité performative.
On nous vend des stages pour "découvrir notre essence profonde". Des tests de personnalité pour "révéler nos talents cachés". Des méthodes pour "aligner notre vie sur nos valeurs". Comme si notre identité était un trésor enfoui qu'il suffirait de déterrer avec les bons outils.
La vérité est plus complexe. Nous ne sommes pas des essences fixes à découvrir. Nous sommes des êtres en construction permanente, façonnés par nos expériences, nos rencontres, nos choix. Nos désirs évoluent, se transforment, se contredisent. Et c'est normal.
Cette quête d'authenticité absolue nous fait passer à côté de quelque chose d'essentiel : nous sommes tous, par nature, des êtres sociaux.
Nos désirs se nourrissent de nos interactions, de nos influences, de nos appartenances. Vouloir désirer en pure autonomie, c'est un peu comme vouloir parler sans langage.
Soyons honnête notre cerveau n’est pas optimisé pour le bonheur mais pour la survie et il n’existe pas de techniques universelles pour accéder au bonheur et à l'épanouissement.
Face à ce constat apparemment désespérant, que faire ? Faut-il renoncer au désir ? Devenir cynique ? Accepter d'être les marionnettes de forces qui nous dépassent ? Sûrement pas.
Spinoza nous donne une piste plus joyeuse : le désir est "l'essence de l'homme". Il ne s'agit pas de l'éteindre, mais de l'orienter. De passer de l'avoir à l'être. De cultiver des joies profondes plutôt que des plaisirs superficiels.
Bon c’est très joli tout ça mais l’idée ici c’est aussi de vous donner des clefs.
Depuis que j'ai pris conscience de ces mécanismes, j'ai appris à distinguer mes vrais élans de mes compensations névrotiques. Cette envie d'écrire qui me prend au réveil, ce besoin de partager mes réflexions et ce que j’apprends de mes rencontres, cette soif de comprendre le monde et les êtres qui m'entourent – voilà des désirs qui me nourrissent vraiment.
La question n'est plus "qu'est-ce que je veux ?" mais "qu'est-ce qui me fait grandir ?"
Quand je passe des heures à creuser un sujet qui me passionne, quand je partage une conversation profonde avec sur Vlan !, quand je me sens utile dans mon travail... Ces moments-là ne mentent pas. Ils me révèlent quelque chose d'authentique sur qui je suis et ce qui compte pour moi.
À l'inverse, quand je scrolle compulsivement sur mon téléphone, quand je fantasme sur un achat inutile, quand je me compare aux autres sur les réseaux sociaux... Ces moments-là me révèlent mes mécanismes de fuite et de compensation.
Saint Augustin avait une formule lumineuse qui résonne particulièrement pour moi : il faut "continuer à désirer ce qu'on possède déjà". C'est peut-être là que se cache le secret d'une vie désirante et heureuse.
Pourtant, combien de fois ai-je rêvé d'une vie différente sans voir la richesse de celle que j'avais ?
D’une certaine manière, désirer ce qu'on a déjà, c'est passer de la superficialité à la profondeur.
C'est accepter d'explorer les territoires infinis de ce qui nous est donné plutôt que de courir sans cesse vers de nouveaux mirages.
C'est comprendre qu'une relation de quinze ans recèle plus de mystères qu'une nouvelle rencontre et comme le dit la thérapeute et amie Esther Perel, on a généralement 3 grandes relations dans sa vie et ça peut être avec la même personne.
Cette conversion intérieure transforme tout : notre façon d'habiter notre maison, de regarder nos proches, de vivre notre quotidien. Il s’agit vraiment du regard que l’on porte sur les choses. Elle est profondément révolutionnaire car elle nous libère de la tyrannie du "toujours plus".
Mais évidemment, désirer ce qu'on a déjà ne signifie pas se résigner ou s'endormir. Au contraire, cela demande une vigilance et une curiosité constantes. Il faut sans cesse redécouvrir ce qui nous entoure, y trouver de nouveaux angles, de nouvelles profondeurs.
Si vous méditez et vous êtes déjà été concentré sur votre respiration et ce qui se passe dans votre nez, vous savez à quoi je fais référence.
Après des années de tâtonnements, j'ai développé quelques repères pour démêler la complexité de mes envies. Ils ne valent que pour moi, mais peut-être vous inspireront-ils.
Premier critère : la durée. Mes vrais désirs résistent au temps. Cette envie de transmettre est là depuis l'adolescence et elle a pris en puissance à la mesure où je libérais cette énergie.
Également, cette fascination pour la psychologie/sociologie traverse toutes les périodes de ma vie.
À l'inverse, mes désirs factices sont éphémères. Cette envie pour une nouvelle moto a duré 3 mois.
Deuxième critère : l'énergie. Mes vrais désirs me donnent de l'énergie, même quand ils demandent des efforts. Passer une soirée à réfléchir sur un sujet qui me passionne ne me fatigue pas, au contraire.
D’ailleurs, je viens de décider d’écrire un nouveau livre.
Mes faux désirs, eux, m'épuisent rapidement. Suivre des formations qui ne me correspondent pas me vide. Poursuivre des objectifs qui ne sont pas les miens me déprime.
Troisième critère : la solitude. Mes vrais désirs supportent la solitude. Je peux en parler seul, les nourrir seul, les vivre seul. Mes faux désirs ont besoin de témoins, de validation, de reconnaissance extérieure. S’ils n’existent que parce que je peux en parler sur Instagram, c'est qu'ils ne valent peut-être pas grand-chose.
Quatrième critère : la simplicité. Mes vrais désirs sont simples à expliquer, même s'ils sont complexes à vivre. "J'aime comprendre pourquoi les gens agissent comme ils agissent." "J'aime transmettre ce que j'ai appris."
Mes faux désirs nécessitent des justifications alambiquées, des arguments marketing, des histoires qu'on se raconte.
Cinquième critère : l'imperfection. Mes vrais désirs acceptent l'imperfection. Je peux écrire un texte imparfait et en tirer de la satisfaction. Mes faux désirs exigent la perfection. Cette maison idéale que je n'achèterai jamais parce qu'elle n'existe que dans mon imagination.
Alors, mon désir de transmission est-il authentique ou socialement construit ?
Difficile à dire. Notre culture valorise cette idée du "passage de relais", de la parentalité au mentor qui guide. Peut-être suis-je simplement en train de jouer le rôle qu'on attend de moi.
Mais quand je ressens cette joie à expliquer un concept complexe en le simplifiant à une autre personne, quand je vois ses yeux s'illuminer parce qu'il comprend quelque chose de nouveau, quand je sens que j'ai pu lui éviter un piège dans lequel je suis tombé... Ces moments-là sonnent juste.
Ils me connectent à quelque chose de plus grand que moi.
C'est peut-être cela, finalement, la spécificité des désirs de la maturité : ils nous relient aux autres plutôt qu'ils ne nous en séparent. Ils nous inscrivent dans une continuité plutôt qu'ils ne nous enferment dans notre individualité.
Ce désir de transmettre, de contribuer, de laisser le monde un peu meilleur qu'on ne l'a trouvé... Il traverse les générations et les cultures. Il nous dépasse et nous grandit.
En apprenant à distinguer nos vrais désirs de nos pulsions conditionnées, nous nous engageons sur un chemin de libération personnelle. Mais ce chemin a aussi des implications collectives profondes.
Une société qui cultiverait des désirs authentiques serait-elle encore compatible avec notre modèle économique actuel ?
Je ne le crois pas. Notre système repose sur la frustration permanente, sur l'insatisfaction chronique, sur le renouvellement constant de nos envies. Il a besoin de consommateurs jamais satisfaits, toujours en quête du prochain objet de leur convoitise.
Que se passerait-il si nous nous mettions tous à désirer moins d'objets et plus de relations ? Moins de possessions et plus d'expériences ? Moins de statut et plus de sens ?
Je n’y suis pas du tout mais cette question me hante depuis que j'ai commencé à regarder mes propres désirs avec un œil critique. Car si je pousse la logique au bout, une véritable révolution des désirs remettrait en cause les fondements même de notre société de consommation.
Face à cette machine à fabriquer des désirs, nous avons un pouvoir : celui de la résistance consciente. Non pas en supprimant nos désirs, mais en les choisissant.
Chaque fois que nous refusons de céder à une pulsion d'achat, nous résistons. Chaque fois que nous prenons le temps de nous demander d'où vient notre envie, nous reprenons le contrôle. Chaque fois que nous privilégions l'être à l'avoir, nous votons pour un autre modèle de société.
Cette résistance n'est pas toujours facile et je failli plus souvent que l’inverse mais il faut être bienveillant avec soi-même.
Elle demande une vigilance constante, une remise en question permanente de nos automatismes mais elle est libératrice.
J’y travaille en tous cas.
Je me souviens de ces dimanches après-midi où, adolescent, je m'ennuyais profondément. Pas d'internet à l'époque, pas de smartphone, peu de distractions. Et dans cet ennui fertile, quelque chose naissait. Des rêveries, des projets, des désirs authentiques qui ne devaient rien à personne.
Aujourd'hui, nous avons perdu cette capacité à nous ennuyer. Nous comblons immédiatement le moindre vide par une stimulation externe : notifications, scrolling, contenus en tous genres. Nous ne laissons plus à nos vrais désirs le temps et l'espace pour émerger.
Réapprendre la solitude, c'est réapprendre à nous écouter. C'est retrouver le contact avec cette voix intérieure que le bruit du monde a couverte.
Il arrive un moment, dans cette exploration du désir, où la psychologie ne suffit plus. Où il faut aborder la dimension spirituelle de notre condition humaine.
Car qu'est-ce qui désire en nous, au fond ? Cette question métaphysique traverse toutes les traditions spirituelles. Pour les bouddhistes, c'est l'ego illusoire qui désire et souffre. Pour les chrétiens, c'est l'âme qui aspire à retrouver sa source divine. Pour les philosophes matérialistes, c'est le cerveau qui traite des informations et génère des impulsions.
Je ne prétends pas avoir la réponse. Mais j'observe que mes désirs les plus profonds me connectent à quelque chose qui me dépasse. Cette soif de beauté, cette quête de vérité, ce besoin de transcendance... Ils pointent vers un au-delà de la simple satisfaction personnelle.
Peut-être que bien désirer, c'est aussi laisser nos désirs nous emmener vers plus grand que nous. Vers l'art, la connaissance, l'amour universel, le service des autres. Vers ce que les mystiques appellent l'Un, le Tout, l'Absolu.
Cette dimension spirituelle du désir transforme notre regard sur nos envies. Elle nous invite à discerner entre celles qui nous élèvent et celles qui nous rabaissent. Entre celles qui nous ouvrent et celles qui nous ferment. Entre celles qui nous relient et celles qui nous isolent.
Une des découvertes, c'est que je ne parviendrai jamais à désirer parfaitement. Il y aura toujours en moi des élans factices, des envies conditionnées, des désirs que je ne maîtrise pas complètement. Et c'est tant mieux.
Notre condition d’humain nous rend imparfait par essence. jJe suis un être incarné, influençable, faillible.
Je n’ai certainement pas l'orgueil de celui qui croirait avoir trouvé la vérité définitive sur lui-même. LOL
D’une certaine manière, l'art de bien désirer, ce n'est pas de désirer parfaitement. C'est de désirer en conscience. De reconnaître mes mécanismes sans me juger. D'observer mes élans sans les condamner. De choisir mes directions sans me mentir.
Cette acceptation de l'imperfection me libère de la culpabilité. Oui, j'ai encore envie de cette montre connectée parfois. Oui, je ressens encore cette pointe de jalousie devant la réussite des autres. Oui, je tombe encore dans certains pièges de la consommation. Mais je le sais. Et ce savoir change tout.
Une chose m'encourage dans cette démarche : je ne suis pas seul. Autour de moi, de plus en plus de personnes s'interrogent sur leurs vrais désirs. Questionnent le modèle de la société de consommation. Cherchent d'autres façons de vivre et de désirer.
Ces communautés de désir conscient émergent partout. Dans les mouvements de simplicité volontaire. Dans les initiatives de décroissance choisie. Dans les groupes de développement personnel authentique (pas celui qui vend du rêve, mais celui qui aide à voir clair). Dans les communautés spirituelles non dogmatiques.
Cette émergence collective me donne espoir. Car changer individuellement son rapport au désir, c'est difficile et parfois décourageant. Mais le faire en communauté, c'est possible et enthousiasmant car nous sommes des animaux sociaux.
Je termine cette longue réflexion avec une conviction profonde : nous ne sommes pas condamnés à être les esclaves de nos désirs factices. Nous pouvons apprendre à mieux désirer, à orienter notre élan vital vers ce qui nous épanouit vraiment.
Cela ne signifie pas renoncer au plaisir ou à la beauté. Cela signifie devenir plus exigeants, plus conscients, plus libres. Cela signifie préférer la profondeur à la surface, l'être à l'avoir, l'authenticité au conformisme.
Alors la prochaine fois que vous sentez monter en vous une envie irrépressible, prenez le temps de vous demander :
D'où vient ce désir ?
À qui appartient-il vraiment ?
Que cherche-t-il à combler en moi ?
Me grandit-il ou me diminue-t-il ?
Me relie-t-il aux autres ou m'en isole-t-il ?
Les réponses pourraient vous surprendre. Et vous libérer.
Car au fond, apprendre à bien désirer, c'est apprendre à bien vivre. C'est retrouver cette capacité d'émerveillement et d'élan qui fait de nous des êtres vivants plutôt que des consommateurs. C'est choisir nos directions plutôt que de les subir. C'est devenir acteurs de nos vies plutôt que spectateurs de nos propres existences.
Et c'est peut-être cela, finalement, la vraie liberté : pouvoir désirer en conscience, choisir nos élans, orienter notre énergie vitale vers ce qui compte vraiment pour nous.
Je vais te dire un secret : quand ton truc marche, c'est là que tu dois le tuer.
8 ans de podcast, des dizaines de millions d'écoutes... et j'ai décidé de changer. Pas par ego. Par nécessité.
2025 : newsletter plus longue et épisodes solo.
Mais cette semaine, je fait quelque chose d'encore plus fou.
Grâce à Amaury de Breakbuild, j'ai allongé Raphaël Quenard et Charles Pepin dans un appartement, filmés du plafond, pour parler de solitude et d'amour. Le résultat ? Une conversation que tu n'as jamais vue ailleurs.
Bienvenue dans "Intersection" – mon nouveau format où je confronte des univers qui ne se parlent jamais. Parce que dans un monde binaire, les vraies révélations naissent entre les lignes.
Prochain épisode : Samah Karaki × Oxmo Puccino. Oui, tu as bien lu.
Le coût social de la course à l’I.A.
C’est un sujet sensible mais on en parle peu. L’I.A d’outil est en train de paser à faire à notre place et il y a un grand danger à se laisser manipuler de cette manière.
Il y a un grand coût social dans cette course à I.A. même si nous sommes ennivrés par la technologie.
Cet article est hyper intéressant dans cette reflexion.
“Du coup” pourquoi on utilise toujours cette expression?
Un article qui m’a beaucoup parlé car c’est une expression que j’utilise en permanence. àl’oral mais ausis à l’écrit et c’est insupportable de. me voir faire. C’est toujours. bien d’avoir un point de recul sur le sujet
et. ce chercheur nous permet de mieux comprendre comment cette expression est arrivée dans notre langauge quotidien.
Immigration : pour quoi les politiques n’écoutent pas les chercheu
Je traite souvent d’immigration et de migratin sur Vlan! même si je sais que ces épisodes ne recoltent que peu d’attention. Le sujet me semblent tellement crucial tant pour faire face à. la crise démographique mais aussi simplement par humanisme.
Les chercheurs reflechissent évidemment à cette question mais aucun politique ou presque ne les écoutent. Voilà pourquoi.
Je me limiterais toujours à 3 liens donc voilà c’est tout pour cette semaine (sachant que Vlan! La newsletter C’est bimensuel comme Vlan! Leadership), n’hésitez pas à me faire des retours et à partager la newsletter à vos amis, collègues, connaissances si vous la trouvez pertinente. Il y a un bouton juste en dessous !